Rickie Lee Jones est contre Bush ! Au lieu comme d’autres de le gueuler haut et fort, l’auteur de l’intemporel « Chuck E’s in Love » transforme cette haine en un amour pour l’homme et la liberté, déclinée sur des sonorités douces et rythmées.


Rickie Lee Jones n’est plus toute jeune. Et elle a roulé sa bosse comme on dit. Bringuebalée à droite et à gauche par des parents bohèmes se disputant sans cesse, elle développe rapidement un don pour la création artistique (la fameuse résiliation de Boris Cyrulnik). Un refus d’être dans la norme aussi. En joignant le geste à la parole, elle mêlera souvent au cours de sa carrière insatisfaction et alcool.

Proche des Beatniks, autant dans la parole que dans les habits, Rickie connaîtra le succès après avoir fait de tout, chantant dans un registre folk, jazz et Rhythm & Blues jusqu’à quatre fois d’affilée dans des bars miteux, tout en travaillant comme serveuse. Le succès viendra en 1979, à 25 ans, avec le simple « Chuck E’s in Love ». Suivront plusieurs albums, connaissant plus ou moins de succès, et toujours dans le même registre, avec peut-êrte une préférence pour le Jazz. Sa rupture avec Tom Waits la fera plonger encore une énième fois dans l’alcool. Elle se fera ensuite oublier, vivant repliée dans l’anonymat de LA.

L’élection de Bush Jr semble lui avoir redonné l’inspiration, d’où découle une révolte envers le président capitaliste mais aussi et surtout par le lavage de cerveau qui s’ensuit. Dans un pays où le rock (et ses dérivés) est aussi une manière d’afficher son opinion, Rickie décide de sortir de l’ombre pour faire The evening of my best day, pamphlet politique contre Bush et consorts.

Dès le premier titre, « Ugly Man », le ton est donné puisque c’est de Bush Junior dont il est question. Sur un tempo jazzy très agréable, Rickie y traite le bonhomme sans complaisance, et les paroles semblent en contraste avec la musique, très douce, voire gaie avec ses cuivres. De la musique d’ambiance pour lui dire ses quatre vérités, ça a le mérite d’être sacrément original à côté d’un Rage Against The Machine ou d’un Beastie Boys qui défend(ai)ent les mêmes idées…

« Tell somebody (Repeal the Patriots act now) » est un appel politique à bannir et abroger le Patriot act voté après les attentats du 11 septembre, et qui a ‘sensiblement’ empiété (c’est un euphémisme) sur les droits du citoyen américain. Mais encore une fois elle le fait sur un rythme qui invite à danser et contraste donc complètement avec le sérieux des propos.

Le reste de l’album est plus poétique, plus dans la tradition folk, comme « Lap Dog ». La voix de Rickie Lee Jones n’a pas changé. Elle est toujours aussi douce. Il y a des voix qui ne vieillissent pas, on se croirait à l’écoute d’une jeune femme. Notons que « Bitchenostrophy » est partiellement chanté en français (histoire d’énerver encore Bush Jr ?) dans une rythmique jazzy et folk, et constitue en quelque sorte un flash-back pour Rickie puisqu’elle a vécu à Paris.

Les titres se succèdent comme sur un disque de jazz, alternant les ambiances graves (surtout dans les paroles) avec de plus légères, voire rythmées à la sauce soul comme « Little Mysteries »,où la basse, très chaude, dialogue avec des cuivres métissés. Du très bon R & B en somme. Et puis Rickie devient de plus en plus lyrique, comme sur « A tree on Allenford », accompagnée par un violoncelle ou un accordéon.

Très agréable dans l’ensemble, The Evening Of My Best Day peut s’écouter en tant que tel mais peut aussi se fondre comme musique d’ambiance, tellement nous sommes plongés dans des ambiances douces et gaies. Le moins que l’on puisse dire est que Rickie transmet un goût de la vie immodéré qui privilégie l’humain au matériel. Elle prouve ici que chez elle ce sont plus que de belles paroles…

Comme l’écrivait Voltaire, « de chaque mal naît un bien ». Merci Bush ?

Le site de Rickie Lee Jones