Laika a mûri. Leur trip-hop, sans fioritures, est devenu la bande sonore d’un néo-romantisme mélancolique qui s’apprécie selon l’humeur et l’atmosphère…


Du nom du chien envoyé dans l’espace par les russes du temps de la guerre froide (1957 pour être tout à fait précis), le quatuor anglais a voulu lui rendre hommage et par là-même montrer par un moyen comme un autre leur grand respect de l’animal et de ses droits. Ils sont végétariens et trouvent scandaleux que l’on expérimente de la sorte des diableries d’humain sur de pauvres animaux sans défense.

Elevés aux sons de Joy Division et de Public Image Limited, ils s’intéressent très vite à l’expérimentation… de l’électronique dans la musique, tout en gardant toujours un oeil sur le jazz. Il virent donc vers une sorte de trip-hop très proche de groupes comme Sneaker Pimps période Kelli Dayton. Le chant suave de Margaret Fiedler, sur des rythmes très « coolifiants » agrémentés de trouvailles sonores, auront vite fait de classer le groupe dans la catégorie Portishead/Tricky. Cette image colle tellement au groupe qu’elle ne leur rend d’ailleurs pas beaucoup service, si vous voyez ce que je veux dire, constamment comparés aux deux autres.

La comparaison étonne d’ailleurs si on approfondit la chose. C’est une vraie batterie qui est utilisée ici, à la place des boîtes à rythmes des deux autres, et puis il y a un côté jazz/rock plus authentique aussi. La batterie de Lou Ciccotelli est ici omniprésente, et tout aussi importante, si ce n’est plus, que le chant. C’est ensuite la basse de John Frenett et le synthé/ordi de Moonshake, tête pensante du groupe qui épicent le mariage de la batterie et du chant. Ils sont hébergés, depuis leurs débuts en 1993, par le label Too Pure.

Wherever I Am I Am What Is Missing marque une nouvelle ère pour le groupe. Le titre est d’ailleurs explicite en la matière. Fini de se dissiper, d’essayer tous les genres, jetés les artifices, place à une production plus sobre, plus limpide, où la simplicité est appelée à combler une envie de remplir concrètement l’espace, ici ou ailleurs. Surtout ailleurs. C’est une nouvelle ère pour moi également, car je dois avouer avant de poursuivre que j’avais autant d’estime et d’intérêt pour ce groupe que pour Dick Rivers, mais cet opus m’a plus qu’agréablement surpris. Qu’il m’est surpris n’est point étonnant quant on s’attend à de la daube de piètre qualité. Qu’il l’ai fait de manière positive marque un sacré tournant par rapport à mon point de départ.

La pochette va d’ailleurs dans le même sens. Très sobre, sans remplissage inutile, sur papier cartonné en relief, elle est une petite oeuvre d’art à elle toute seule, avec ses dessins très simples mais aussi très réussis. La sobriété est bien souvent gage de qualité. L’emballage est à l’image de ce que l’on va consommer.

Les paroles sont proches de leurs convictions et de leur monde ombragé. Il y est beaucoup question d’eau, d’air, de nature, d’animaux et de tous les états d’âme qui peuvent y être attachés. Dans la bonne et vieille brêche ouverte par notre Chateaubriand d’auteur, voyant dans la nature -surtout automnale- autant de miroirs de son état psychique, le quatuor anglais donne dans le romantique (à ne surtout pas prendre dans son acception Outre-Atlantique si vous voyez ce que je veux dire). Ceci dit, ce que j’essaie de souligner ici c’est le côté artistique de Laika, qui exprime des choses très personnelles via de la musique que l’on pourrait classer en trip-hop tellement elle semble en contradiction avec les propos et le ton de ces derniers. (Jugez-en sur « Alphabet Soup » par exemple : « ain’t nobody love me that’s how I got here with pockets full of nothing and a headfull of fear »).

« Oh » est tout à fait dans la veine de St Etienne, avec une mélodie très accrocheuse, et se détache du reste par une sorte d’optimisme lyrique affiché par la chanteuse. Les neuf autres titres sont plutôt indissociables du reste, et le tout s’écoute d’une traite, sans que l’on puisse vraiment dire que tel titre est ceci ou cela, et sans que cela veuille dire que l’on se lasse de l’écoute, que du contraire. L’album s’apprécie généralement assez vite comme de la musique agréable pour faire autre chose , puis peu à peu imprègne votre esprit pour y occuper une place à part entière, pour s’écouter enfin en tant que tel. Il est attachant, voilà le mot.

Le site de Laika