Le groupe américain créé il y a tout juste dix ans est de retour, et ce après une longue absence de cinq ans et un accident de la route assez grave. Calvin Johnson s’est mis en tête de défier un certain Lee Scratch Perry…


Je ne sais plus avec quel album j’ai fait connaissance avec ce groupe défiant toute comparaison. Je sais que j’avais apprécié à sa juste avaleur Dub Narcotic Sound System Meets The Jon Meets the Jon Spencer Blues Explosion in a Dancehall Style : Sideways soul (Je reprends mon souffle), sorte de In the fishtank déjanté où Jon Spencer s’emploie à littéralement péter les plombs, aidé en cela par un Calvin Johnson au mieux de sa forme délurée, et qui n’a certainement pas de leçons à recevoir de ce point de vue-là. Si ça ne vous donne pas encore une idée d’à qui vous avez affaire, sachez qu’il s’agit d’une sorte de Jon Spencer justement (de manière assez évidente sur « Dub narcotic Groove ») mettant en exergue les percussions et la basse, mais aussi -d’où leur nom- tous les instruments fétiches du reggae et de tous les styles qui s’y rattachent.

Dub Narcotic Sound System sont en tout et pour tout trois : le vétéran et ex-Beat Happening Calvin Johnson à la guitare, melodica et au micro, Heather Dunn (ex-Raincoats) à la basse et au saxo, mais également au micro et enfin Chris Sutton à la batterie, basse, guitare, orgue. Vous l’aurez compris, ce super-groupe regroupe des multi-instrumentistes réunis autour du maître Johnson, également patron du label K Records et du studio Dub Narcotic, ce qui semble-t-il lui a donné des envies…

Nous arrive donc cet album Degenerate Introduction, qui, rien que par le titre, ne semble en aucune mesure avoir changé son fusil d’épaule. Il y a peut-être juste un esprit punk plus prononcé ici que dans les précédents ouvrages, avec des oeillades vers les Specials notamment lorsqu’un saxo vient de temps en temps montrer le bout de son nez. On n’y chante pas beaucoup, et on a vite l’impression d’entendre des jam sessions à la manière des Beastie Boys, en bien plus alternatif et indie (- entendez en moins pensé-). Et cette comparaison ne s’arrête pas là puisqu’on a même droit à du rap sur « Dub narcotic groove », qui est basé sur un mariage basse-percussions plus que percutant. Ce son ‘live’ est ce qui unit les morceaux, car même les soli de guitare semblent totalement improvisés (dans le bon sens du terme).

Privilégiant allègrement la base rythmique, « Sounds Narcotic (Smash the record) » apporte un parfum de vacances qui n’est pas pour déplaire. Cependant, un avis devrait apparaître sur la pochette, à l’instar des paquets de cigarettes… En effet, certains titres ne doivent pas être mis entre les oreilles de n’importe qui : « Code of the west », utilisant à outrance le melodica (ça devrait plaire à Damon…) peut faire péter les plombs sans crier gare à n’importe quel hurluberlu n’attendant qu’un prétexte pour le faire. Le rythme est saccadé et suit une cacophonie généralisée… Mieux vaut donc ne pas être de mauvais poil… Le titre suivant, « I don’t love », comme pour enfoncer le clou, part en vrille lui aussi.

En fait, si on réfléchit bien, Dub Narcotic Sound System est une sorte d’apôtre de la musique dub du grand – enfin, pas toujours si grand que ça hein – Lee Scratch Perry, mais dans le rock alternatif. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter les cris et onomatopées de fou sorti de l’asile qui jalonnent « I Don’t love ». Remarquez, tous ces titres ont un certain mérite : celui de mettre en valeur les batteurs et percussionnistes que sont les DNSS.

Outre Lee Scratch Perry, On pense également aux débuts volontairement déstructurés et bruitistes de The Fall. La comparaison avec The Fall ne s’arrête pas là : tout comme Mark E. Smith, Calvin Johnson reste indéboulonnable et a vu les membres de sa formation changer au gré des saisons et des humeurs.
Les huit minutes de « Mate’s Revenge » semblent vouloir, par tous les moyens, explorer de nouvelles voies, tenter de nouvelles dissolutions artistiques, s’essayer peut-être à donner au rock son art nouveau abstrait, basé sur les primitifs (et c’est à pas mal de groupes japonais qui sont attirés par la même tentation que l’on pense ici). Des titres plus groove-funk, comme « Blood Flow » font irrémédiablement penser aux Red Hot Chili Peppers, période Blood sugar sex magik, et donc évidemment aussi à Funkadelic.

L’album des Dub Narcotic est spécial, c’est le moins que l’on puisse dire. Si vous êtes ouvert d’esprit et aimez ce qui sort des sentiers battus, il devrait combler vos attentes par sa fraîcheur.

-Le site de K Records