Un papillon s’égare dans une maison close du temps des années de la prohibition. Derrière des allures provocantes, les blonde tête rouges s’adoucissent mais ne se ramollissent pas.


Le clan des frères Pace et la meneuse de revue Kazu Makino ont toujours su jouer avec nos nerfs. Avouons avec un certain plaisir sado-maso que le trio de l’East Village désoriente avec maestria ses fans, que ce soit musicalement, visuellement ou contractuellement parlant…

Faisons un petit topo : après avoir été ballotté un peu partout de label en label (Touch & Go, Smells Like…) , il est tout d’abord assez surprenant de constater que ce sont les anglais de 4AD qui ont finalement raflé la mise pour ce très attendu sixième album des blonde têterouge. Bien sûr, le label des Pixies reste une élogieuse adresse, mais l’univers du groupe ne s’apparente pas vraiment avec les signatures passées. Qui plus est, après avoir traversé plus d’une décennie en pilote automatique, 4AD redort donc son blason en signant quelques valeurs sûres via les Mountain Goats, et plus récemment Scott Walker. Peut-être que la série interminable de best of exploités dans leur back-catalogue aura finalement servi à réinvestir dans de la viande fraîche. Enfin bon je m’égare… revenons à nos poulains.

Second constat, alors que le revival garage en était à ses balbutiements voilà quatre ans et que bon nombre de ces groupes revendiquaient les premiers albums du trio, nos amis ont pris tout le monde à rebrousse-poil en publiant des disques de plus en plus portés sur des tempos ralentis et des mélodies à la fois douces et torturées. On peut aller encore plus loin dans la perversité : c’est avec l’aide du Fugazien Guy Piccioto que le groupe a produit ses deux albums les plus pop à ce jour. Avouez qu’il y a quand même de quoi en perdre la boussole.

Vu la qualité croissante des livraisons, Misery is a Butterfly était donc un retour attendu en fanfare. Quatre années séparent cette nouvelle galette de Melody Of Certain Damaged -si l’on excepte le EP Mélodie Citronique paru en 2002. La direction musicale du groupe suit le cheminement de sophistication entamé sur l’album précédent et s’écarte de plus en plus des dissonances à la Sonic Youth (Steve Shelley fut le parrain des deux premiers albums) pour se diriger vers une musique plus caressante mais pas moins perverse.

Pendant que Kazu Makino s’amuse à composer des compositions bubble-gum au sein des remarquables Enon , les deux frères jumeaux italiens Amedeo & Simone Pace se sont découverts une passion pour le fignolage subtile, les pianos baroques et les clavecins poussiéreux. Le goût prêté ici pour les matières nobles et les cabarets coquins rappelle le This is hardcore de Pulp, seule véritable référence perceptible.
Uniquement constitué de ballades, il règne tout au long de ce disque une ambiance sulfureuse de vieux film érotique des années 70 : rien à voir quand même avec du Max Pecas, mais peut-être bien du Pasolini.

Cette formule répétée ici tout au long du disque pourrait se révéler assommante, mais la voix de Lolita de Kazu Makino maquille de dérision ce registre. Forte tête, la jolie nippone veut à tout prix que l’on concentre notre attention sur elle, en dépit des magnifiques arrangements. Celle qui s’amuse à pousser sur scène des gémissements à réveiller la libido d’un centenaire, aurait sans nul doute fait une muse parfaite pour Gainsbourg. Sur « Doll is mine » et « Falling Man », elle s’eclipse pour laisser le chant à Amadeo, qui n’en possède pas moins une touche très féminine.
« Misery is a Butterfly », ballade aigre noyée sous des cordes répétitives se révèle rapidement additive, tout comme le premier single tiré de l’album. « Anticipation », qui vogue sur des trajectoires New Wave, est peut-être bien le sommet de ce disque, mais Misery is a Butterfly est le genre de disque auquel nous sommes bien embêtés lorsqu’il s’agit de démarquer un titre de l’ensemble.

La sublime pochette du disque pourrait résumer à elle seule son : une jeune fille de petite vertu entrouvre une porte et nous invite à pénétrer dans sa chambre pour assouvir nos désirs de luxure. Une sollicitation que nous, pauvres sexes dominants, sommes incapables de résister… de l’érotique chic en somme.

-Le site des Blonde Redhead