Du trip-hop français puisant largement ses sources dans l’esay-listening fait d’une pierre trois coups : ça peut s’écouter en tant que tel, en fond sonore d’ambiance ou enfin lors d’une fiesta pour se déhancher.


C’est pas la pochette qui attirera beaucoup de monde, car il est assez difficile de faire pire, même en faisant exprès. Mais c’est bien pour honorer les années 70 et ce qu’elles comportent de plus kitsch que cette pochette arborant une femme nue devant un papier peint à la Tricatel semble avoir été choisie. Ça résume bien l’ensemble, car la chose qui frappe d’emblée est le grand hommage que rend le duo Mr Wong et Le Poulpe à l’easy-listening en général, à savoir un style musical qui est devenu très branché- car très ringard, allez comprendre, l’art obéit souvent à ce genre de formules contradictoires.

Ce sont donc des français qui se cachent derrière Microsillon. Et leur musique, sorte de trip-hop électro-jazz, rentre dans toute cette catégorie investie principalement par les Allemands, les Autrichiens et les Scandinaves. Sans oublier bien évidemment les spécialistes du genre, à savoir les anglais, autant la scène de Bristol que les artistes issus du label Ninja Tune, comme The Herbaliser, ces derniers semblant assez évidents en tant que référence sur « Moon & Stars ».

Et un peu comme tous les groupes rentrant dans ces catégories musicales, plusieurs titres comptent un invité de marque, généralement une chanteuse issue d’un autre genre musical mais dont la contribution ici en fait un petit événement qui ne manque pas de piment, à l’instar d’un Basement Jaxx ou d’un Massive Attack. Comme le retour sur « Lucky » de la chanteuse de Kas Product, Mona Soyoc, qui pourrait tout à fait figurer dans la bande originale d’un James Bond, avec ses nappes de violons planantes et un martèlement rythmique assez trip-hop. En mettant également une voix off qui parle français, ils dévoilent en un clin d’oeil leur identité bleu-blanc-rouge, qui, il est vrai, n’a pas à rougir ici. « The werewolf » est également parlé en français et chanté en anglais avec un petit accent scandinave très séduisant

« Dark side of the moog », outre la ressemblance ostentatoire qu’il partage avec un certain album de Pink Floyd est un bel hommage à l’easy-listening période The Party (1969) de Blake Edwards, avec Peter Sellers, et l’on se surprend même à penser à Dimitri From Paris, qui avait à une époque popularisé ce type de musique kitsch, tentant de fusionner le mambo et tous ces styles où l’on s’imagine sirotant un petit cocktail sur la côte d’azur (ou aux Seychelles, pourquoi se priver ?), entouré de gentilles minettes sensuelles qui nous masseraient à longueur de journée…

Ce disque est extrêmement varié, et l’on passe d’un style à l’autre avec une facilité déconcertante, et sans laisser le talent de côté. Ainsi, « We got a thing that’s in the groove » lorgne du côté du jazz avec ses cuivres et ses flûtes. Quant à « Fly away » il pourrait rentrer dans la catégorie Asian Beat d’un Nitin Sawhney avec ses instrumentations orientales et le chant de Rasha Shaheen, bassiste indienne de Morning Star.

Des titres comme « Peace » détonnent vraiment aussi car ils bifurquent vers un style beaucoup plus poussé et alternatif, montrant de la sorte ce que le duo a dans le ventre et ce qu’il aime le plus faire : tripatouiller et mixer des sons dans un seul but : faire danser. C’est réussi. Encore un disque qui peut faire d’une pierre deux coups, voire trois : ça peut s’écouter en tant que tel, en fond sonore d’ambiance ou enfin lors d’une fiesta pour se déhancher un peu. Un peu beaucoup.

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