Un album des Tindersticks s’écoute comme on déguste un grand vin, à savoir avec parcimonie. Les nappes de violons qui caressent la voix rauque et chaude de Stuart Staples , avec ici et là des envolées de cuivres qui rappellent les mariachis, le tout avec une trame de rock alternatif, sont plus que séduisantes.

Quatrième album studio du groupe, Curtains (1997) rappelle l’originalité des débuts, et des titres comme « Dicks slow song », tout à fait dans la lignée de la bande originale du film Nénette et Boni de Claire Denis sorti l’année précédente, sont tellement planants que l’on croit avoir trouvé la musique idéale pour ses siestes d’été. Car cette musique semble avoir arrêté le temps, et ce pour une contemplation de celui-ci, pour se regarder dans le miroir du temps. On se sent transportés par ce sextet vers des cimes que l’on croyait inaccessibles.

Les ballades qui égrainent largement cet album sont d’une beauté étincelante. Mais il ne faut pas oublier que les Tindersticks savent aussi faire dans l’énergie punk (ils citent Joy Division comme influence, à côté de Leonard Cohen), en témoignent des titres comme « fast one », qui éclate parmi les autres chansons comme pour mieux les mettre en valeur. Car niché entre « Dicks slow song » et « Ballad of tindersticks », ces deux ballades n’en prennent que plus de relief. Vous aurez noté la grande clarté dans l’énoncé des titresÂ… Le piano, l’orgue hammond, un violon en solitaire, et surtout, bien sûr, le xylophone sont autant d’instruments appelés à apaiser l’auditeur, en plus de la guitare, basse et batterie. Ils ont eu la riche idée aussi d’allonger ces titres, pour leur donner le temps de se donner.

Les Tindersticks ont réussi ce mélange rock /musique classique sans toutefois tomber dans une bouillie sans conviction ni dans le piège de la musique inabordable, au langage abscons. L’apport des cuivres, et les différentes envolées lyriques des cordes y sont certainement pour beaucoup.

« Desperate Man » leur donne l’occasion de fouiller un genre qui leur convient bien : la musique de western, pour notre plus grand bonheur. Car ce que cette musique a d’extraordinaire – outre ses grandes qualités techniques et ses vertus relaxantes – elle nous fait voyager, et comment ! On se surprend à être ailleurs, et qu’y a-t-il de plus dépaysant que cela ? Je vous le demande.

Et ils aiment les femmes aussi. Si si, car à part le « while we go fuck in the bathroom » dans « Rented rooms », ils peuvent aussi les inviter à chanter avec eux, comme sur Bearsuit. Vous me direz, avec une voix de crooner pareille, Stuart doit les emballer fissa.

Le disque se termine par un majestueux et langoureux « Walking ». Et l’on se dit que c’est un des chefs d’oeuvre passés trop inaperçus des années 90.

Tracklisting :

1. Another Night In – 5:11

2. Rented Rooms – 5:12

3. Don’t Look Down – 4:18

4. Dicks Slow Song – 4:09

5. Fast One – 1:52

6. Ballad of Tindersticks – 7:37

7. Dancing – 2:56

8. Let’s Pretend – 3:21

9. Desperate Man – 3:21

10. Buried Bones – 4:03

11. Bearsuit – 2:11

12. (Tonight) Are You Trying to Fall in Love… – 3:07

13. I Was Your Man – 3:39

14. Bathtime – 4:03

15. Walking – 5:25

16. A Marriage Made In Heaven – 5:16