La musique de ce trio instrumental forge ses sons autour d’un post-rock lourd et oppressant, détenteur d’une puissance rare. Assommant, Paik fait plus fort que monsieur propre.


Dans la p’tite sphère du post-rock, on peut distinguer clairement trois catégories d’electrons libres : d’un côté, les militants de Constellation et sa tribu de suiveurs, artisans d’une symphonie rock possédée, de l’autre les visionnaires de Tortoise, Labradford et Mercury Program qui n’hésitent pas non plus à intégrer quelques éléments jazz à leur dérivations… et puis enfin il y a les formations plus penchés sur le rock tendu, comme Mogwai et Explosion in the sky.
Au sein de cette dernière entité, il existe une sous-catégorie tapie dans l’ombre, réservée aux poids lourds du genre, ceux qui exploitent au maximum la puissance électrique d’une six-corde, alliée à la répétition aliénante du Kraut-rock.

Au beau milieu de ce déluge de décibels, les hallucinogènes de Seattle Kinski et le trio instrumental Paik (basse, guitare, batterie), sont indéniablement les les ambassadeurs du genre. Tous deux ont d’ailleurs enregistré un remarquable Split EP aux côtés de Surface of Eceon (2003), montrant toute l’étendue de leur force de frappe implacable. Celui qui fit l’objet de cette chronique s’y distinguait le mieux lors de ce match amical, avec « spanish holliday » l’un des morceaux de space-rock les plus dévastateurs qu’il m’ait été donné d’entendre.

Basé à Detroit, ce trio compact formé depuis 1997 dégage une force assez exceptionnelle. Leur précédent disque The Orson fader (2003), poussait déjà très loin les retranchements du post-rock en matière de décibel et d’architecture noisy, privilégiant des morceaux dépassant aisément les 6 minutes au compteur.

Paik fonctionne de la façon suivante : Partant d’une jam assez longue, ils transcendent leurs instruments jusqu’à leur paroxysme, aboutissant bien souvent à une sorte de bouillis de larsen à la beauté étrange, noyé dans une réverbe magistrale. Ce bruit là résulte de l’alliance de chaos et discorde, mais demeure surprenant – l’inoxydable cohésion de la section rythmique y étant certainement pour beaucoup.

Satin Black, quatrième album, emprunte toujours cette démarche d’élasticité outrancière. Sur les cinq titres, aucun ne descend sous la barre des sept minutes, dont deux totalisant même chacun un quart d’heure. Autre changement notable, Paik semble emprunter des voies de plus en plus obscures, voire malsaines. Cette musique n’a rien à voir avec du Heavy Metal et des rythmiques plombées, ni du rock progressif, mais elle évoque une anarchie lugubre tractée par un semi-remorque.

« Jayne Field » démarre calmement sur des arpèges lents et répétitifs, mais la machine s’emballe très vite et devient cataclysmique. Etirée sur près de sept minutes, le sens de l’apesanteur lunaire d’un Robert Smith plane constamment autour de cette alternance d’accalmie et bourrasque, à tel point qu’on se dit que si notre corbeau préféré posait ses oreilles sur cet opus, il prendrait bel et bien une fois pour toute sa retraite. « Dirt for driver » second morceau développe une progression provenant tout droit de l’enfer, usant de mélodies déformées par le delay et le vrombissant hurlement d’électricité. Véritablement effrayant.

« Satin Black », morceau éponyme et plat de résistance, est une revue en long et en large du catalogue du groupe : un lent crescendo qui va de mal en pis sur près de quinze minutes, une course effrénée vers une explosion attendue qui nous plonge dans un trou noir, un combat irréel entre larsen difforme et chaos rythmique étouffant. Ici Paik vient ni plus ni moin de créer l’alter-ego guitaresque du « Radio-activity » de Kraftwerk.

Une vrai performance, et le véhicule idéal pour une virée en enfer.

-La page du groupe sur le label Strange Attractors

-Le site du groupe

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