Giant Sand a perdu en cours de route Joey Burns et John Convertino. Avec Howe Gelb aux commandes, et avec les fantômes des deux autres en filigrane, on a droit à du très grand Giant Sand.


Au début de Giant Sand, il n’y avait que Howe Gelb. Au milieu et jusqu’à il n’y a pas si longtemps, il y avait Joey Burns et John Convertino, dont le succès par ailleurs (Calexico) a fait de leur side project leur main project. Aujourd’hui, il se retrouve encore une fois seul.

L’énorme notoriété de Calexico a quelque-part servi Giant Sand et Howe Gelb (qui a sorti plusieurs albums solo de très haute facture), devenu en quelque sorte les grands représentants d’une musique des grands espaces désertiques (chose que Howe voulait à tout prix éviter) notamment ceux de l’Arizona.

Howe a donc voulu prendre à contre-pied cette étiquette en recrutant cette fois des musiciens américains et du cru danois (oui, vous avez bien lu) pour enregistrer cette galette au bord de mer, au Danemark. Voilà donc une première certitude qui tombe : l’esprit du désert est peut-être là, mais pas l’ambiance. Quand à ses amis présent sur les crédits, John Parish et Vic Chesnutt en tête, on peut sans nulle hésitation dire qu’ils ont eux aussi une belle réputation.

Notons que toutes ces précisions sont importantes car à l’écoute de Is all over the map, on jurerait sa mère que Calexico d’une part, et Howe Gelb en solo de l’autre, ont largement influencé les sonorités de l’album. Et bien non, raté, sur toute la ligne, enfin, presque toute la ligne.
Pourtant, à l’écoute des instrumentaux très cinématographiques “Rag” et “Fool” par exemple, avec toutes ses percussions et ce piano à la Ruben Gonzalez (surtout sur “Napoli”), on est pas très loin des habitudes de Calexico. L’effet est en tout cas le même : on voit la vie en rose à l’écoute de titres pareils!

Les sonorités typiques de Giant Sand sont cependant bel et bien encore là, et ce dès le titre d’ouverture. Le bien nommé “Classico”, avec ses guitares aériennes qui petit à petit se font de plus en plus électriques. La voix de Howe, diffusant cette sérénité que l’on voudrait qualifier de sage, est chaude, chaleureuse et langoureuse. “A classico reprise”, sur le même thème, se permet des incartades qui ne sont pas sans rappeler l’excellent OP8, autre des projets qui n’a malheureusement jamais été renouvelé. Le côté indie, sorte de Neil Young underground qui a toujours collé au groupe (et dont il ne cache pas l’influence constante), est frappant sur le très actuel “NYC of time” ou le saturé “Remote”.

Howe aime à dire lors de ses entretiens que la musique c’est comme la cuisine : elle doit se faire avec amour, sinon on est malade. “Cracklin’ Water”, formidable titre que l’on retrouve déjà dans Slush d’ OP8 justement, vient ici rappeler, dans une forme à la Calexico (encore?), cette ligne de conduite qui fait, en fin de compte, que l’on a l’impression d’être invité à une jam session entre bons amis, au coin d’un feu dans un belle maison de campagne. Loin de la ville et des soucis, près de ce qui est essentiel. Quiconque l’a vu en concert s’en rend d’ailleurs bien compte de la simplicité du personnage et de l’énorme sympathie qu’il occasione, se trompant, se reprenant, parlant au public comme à ses potes. Ses concerts sont des moments inoubliables, et les disques ne sont pas très éloignés de cette atmosphère chaleureuse. “Hood (view from a heidelburg Hotel)” particippe du même phénomène, un peu comme si on nous ouvrait le journal intime de quelqu’un.

Enfin, le côté expérimental et minimaliste, mais tout à la fois très simple de Howe n’est pas sans rappeler parfois Tom Waits : c’est le cas sur “Muss” et sur l’instrumental “Drag” (sublime). Sous des apparences qui ne payent pas de mine, on peut déceler des melodies et des bruitages d’un effet prodigieux. Le piano et la voix murmurée y sont propablement pour quelque chose aussi dans cette impression de déjà vu ailleurs. Le piano, parlons-en, ultra-présent dans les albums solo de Howe (car il est aussi un excellent pianiste), est ici aussi de la partie. Pas autant, mais assez pour diluer sa grandeur symphonique.

Notons une chanson en français, “Les Forçats innocents”, dont on ne comprend pas grand chose, mais dont l’instrumentation mi-cubaine mi-italienne est une aubaine. Petite cerise sur le gâteau, la fille de Howe Gelb (17 ans et toutes ses dents) reprend un titre des Sex Pistols (je vous laisse deviner lequel) rebaptisé en “Anarchistic Boshevistic Cowboy Bundle”. C’est très frais et très naturel.
On sait qu’avec Howe ont est jamais déçu. C’est encore une fois le cas.