Un jeune norvégien de 23 ans nous livre un premier album plus que prometteur, valsant entre jazz, électronique et musique classique, le tout en faisant preuve d’un talent étourdissant.


Lars Horntveth est le compositeur principal et le leader de Jaga Jazzist, groupe norvégien qui s’est fait remarquer dans ce que l’on pourrait qualifier de jazz électronique, genre qui commence à réellement devenir une spécialité nordique au demeurant. Il est vrai que les froides contrées du Nord sont probablement plus inspiratrices que la grosse chaleur du sud… Et puis la nature y est aussi plus prépondérante. Plus mystérieuse aussi. N’empêche que l’origine première de tout ce mouvement est à rechercher aux Etats-Unis, berceau du jazz. Classique peut-être, mais sans qui tout ceci ne serait pas possible. La nouveauté ici, c’est que l’électronique vient s’immiscer pour offrir aux instruments lambda du jazz un strapontin d’envergure. Car ce qui est notable chez Jagga Jazzist, et chez Lars Horntveth en l’occurrence, c’est cette popularisation du jazz, cette plantation de graines de jazz afin de séduire une jeunesse pas très ouverte d’esprit, qui à lire « jazz + electro » fuirait la chose plutôt que de la découvrir.. Sans oublier les cordes, qui sont comme autant de coups de pinceau dans le Fjord.

Les clarinettes, le saxophone, le xylophone tiennent ici une place de choix, appuyés par des nappes de cordes revigorantes, pour un résultat épatant. On croirait écouter les partenaires de Björk (pour les cordes -on pense au Kronos Quartet notamment), de Radiohead (pour l’électronique et la guitare sèche) et de toute cette mouvance jazz hébergée par Ninja Tunes comme Cinematic Orchestra (pour le jazz), jouer ensemble. On pense aussi au Motorpsycho + Jaga Jazzist Horns sauf qu’ici il n’y a point de chant. C’est une musique exclusivement instrumentale, ce qui la rend polyvalente car on peut soit l’écouter en tant que telle, soit l’utiliser comme décor sonore pour accompagner une quelconque activité qui en sortira tout simplement plus ludique.

“1. Lesson in violin” explore le terrain -miné- tâté déjà par Radiohead sur les avant-gardistes Amnesiac et Kid A. Les bidouillages constants sur “The Joker”, cette soi-disant trame artificielle, provenant d’ustensiles honnis par les puristes et autres amateurs d’instruments de musique point barre ne provient justement que de vrais instruments, seuls les beats ayant été produits par un ordinateur. C’est parfois joué comme du bricolage, c’est vrai, et pourtant tout, absolument tout, a été joué live au studio de Bergen.
Cette approche donne au disque un côté contemporain indéniable. Mais vu qu’il ne se contente pas de se suffire à lui-même, on ne peut taxer Lars d’avoir donné dans la facilité. Loin de là même, puisqu’il a ici tout composé de A à Z, et qu’il joue tous les instruments mis à part les cordes. Les cordes, revenons-y, y sont très présentes. A neuf pour s’y mettre, et à dix si on compte Lars Horntveth, qui paraît-il joue aussi du violon, la musique classique est omnipotente. Tout y a été composé et dirigé par ce dernier, qui l’avait déjà fait pour ses compatriotes de Motörpsycho. Ce n’est en tout cas jamais statique, toujours cinématique, sublime.

Les titres sont longs, fouillés, et obéissent au formatage du jazz. Point de place ici pour le commercial, on est dans l’artistique de chez artistique. Peut-être est-ce dû à la pochette, mais on sent même comme un parfum d’art contemporain, et on se dit que cette musique doit être idéale dans les grands couloirs et salles d’un musée d’art contemporain ou moderne.

Et je me dis que j’entame cette rentrée on ne peut mieux, car ce disque, à ranger à côté de celui de Eyvind Kang, est un réel petit chef d’oeuvre pour quiconque aime les nouvelles expérimentations qui se fichent des frontières qui cloisonnent les genres classiques, jazz, électronique et rock.

Le site de Lars Horntveth

La chronique de Eyvind Kang – Virginal Co-Ordinates