Le spleen élégant de John Grant et ses amis revient nous faire un bonjour salutaire. Toujours sur la brèche, mais délicieusement additif.


Lorsqu’un groupe balance un titre d’album pareil, ça n’est jamais vraiment bon signe. On se souvient des sympathiques Ben & Jason qui avaient nommé ainsi leur disque posthume, sans oublier Lush qui s’était fendu d’un Ciao ! sur son Best Of… De même, cet album a failli ne jamais voir le jour sans les quelques donations nécessaires remerciées sur le livret… C’est toujours étonnant de constater combien des groupes à l’allure si noble semblent toujours sur la sellette. Bref, Goodbye est pourtant bel et bien le retour du groupe de John Grant.

On ne remerciera jamais assez Simon Raymonde (ancien Cocteau Twins) de s’être penché un beau matin sur une démo des Czars et surtout de leur avoir offert un contrat par le biais de son acolyte Robin Guthrie, patron du très bon label épique Bella Union. Avec Lift To Experience et les Czars, le label peut se targuer de posséder deux des plus beaux spécimens du rock lyrique entendu depuis un bon quinquennat. Mais si le premier cité semble avoir jeté l’éponge après un double album monumental, les Czars comptent bien persévérer dans leur quête du sublime.

Depuis leur second album Before… but longer paru voilà quatre ans, les Czars ont fait une entrée fracassante dans le quotidien des spleener élégants. Notre coeur – déjà en piteux état après l’écoute des bouleversants “Val” et “Stay” – n’a pas survécu à la missive suivante, The Ugly People Vs. the Beautiful People (2001) qui poussait encore d’un cran le supplice et terminait d’atomiser le peu de chair qui nous restait. Enfin l’année dernière, le EP X would rather listen to Y than suffer through a whole C of Z’s nous avait laissé de jolis souvenirs, le quintet se fendant même d’une reprise d’un standard jazz « You don’t know what love is », autrefois chanté par Billie Holliday. Depuis, on attendait avec impatience des nouvelles, pourtant toujours détentrices d’un spleen élégant.

De ce fait, les chansons des Czars s‘adressent à un public limite sado-maso. Car ces mélodies flanquent une douleur douce et bucolique, toujours portée par la voix en apesanteur de John Grant. Les amateurs savent que l’essentiel de l’alchimie repose sur le charisme du monsieur, un brin à l’élégance folle qui semble porter sur lui tout les tourments de la terre.

Cela commence avec une pièce solo délicate jouée au piano, qui a le mérite de plonger l’auditeur directement dans l’humeur adéquate. On enchaîne sur “GoodBye”, plat de résistance et chanson qui donne son nom à l’album. Et c’est toujours magnifique : ce groupe possède vraiment un don pour se fondre entre les nuances, maîtriser une atmosphère jusqu’au bout sans jamais déborder, si bien lorsque le dit morceau s’élève au bout de trois minutes au compteur, on sait que ce groupe ne pourra jamais vraiment nous décevoir. On rempile tout de suite sur le superbe single “Paint the Moon”, aux accents à la Giant Sand/Morricone. Et puis on va de surprise en surprise, avec “The Hymn”, et son intro a capella limite Grégorien où la séduisante Sara Lov (Devics) s’incruste autour d’une jolie chansonnette dans l’esprit de Stina Nordensteim.

Toujours porté par des tempos lents, les climats sont néanmoins variés, jonglant tour à tour entre ballade orchestrale ou acoustique, chants sacrés, rock, voire même sonorités jazz. Il faut quand même saluer cette faculté d’ingurgiter les influences pour les tourner à leur avantage (signe de leur éclectisme leur dernier single contient également deux reprises, une d’Abba et une autre de Connie Francis).
Sur la dernière plage, on sent que c’est la récréation avec « Pain », morceau rock énergique porté par une guitare plus rock que d’accoutumée, laissant finalement une note d’optimisme, malgré son titre paradoxe.

Seul véritable faux-pas (et mis à part un ou deux solos de guitare gadget), le titre “I am the Man”, où John Grant habille inutilement sa voix fantastique d’un vocoder minable, qui nous fait l’effet d’une chronique de The Fall dans Gala.

Mais ne restons pas sur une mauvaise impression, car les Czars ne méritent bien mieux que cela. Achetez ce disque, il ne sera certainement pas remboursé par la sécurité sociale (le spleen n’a jamais guéri), mais vous aidera peut-être à vous sentir moins seul. En tout cas, on prend le risque.

-Le site de The Czars