Le monde de l’electronica et celui du jazz foisonnent de plus en plus pour donner naissance à des formations qui se spécialisent dans cette niche très fructueuse.


triosk.jpgLe disque démarre avec des bruitages électroniques, caressés par des nappes en brouillard et pour cause : le morceau a pour titre « The streets are empty ». Plongés directement dans un univers glauque, on se demande bien à quelle sauce on va être mangé. On comprend surtout que par rapport à leur dernière plaque, Triosk meets Jan Jelinek 1+3+1, le trio australien (Laurence Pike à la batterie, Adrian Klumpes au Piano et synthés et Ben Waples à la basse) a pris de la bouteille et de l’assurance dans un genre que l’on pourrait qualifier de jazz electronica. Le but initial de Triosk était de faire une musique jazz, donc très improvisée, dans laquelle on pourrait se permettre de faire se rencontrer avec elle des loops, des samples et l’électronique en général. La production est donc une étape capitale pour eux, car il s’agit de combiner l’enregistrement acoustique propre au jazz à la post-production propre à l’électronique. C’est en samplant deux titres de Jan Jelinek qu’ils ont été amenés à le rencontrer, et ensuite à collaborer jusqu’à sortir un disque ensemble. Ils sortent donc – enfin – leur premier disque en nom propre, qui contient d’ailleurs les deux titres en question.

« Chronosynclastic infundibula » avance sur une basse tonitruante qui rappelle donc leur collaboration avec le percussionniste de Can. Moment returns fait entrer cependant un nouvel élément qui s’avérera être ici le centre névralgique autour duquel tout circule : le piano. Déjà présent auparavant, il maîtrise ici l’oeuvre. Des petites notes scintillent, et on reste donc cloîtrés dans cette brume mystérieuse. L’absence de Jan Jelinek ne se fait pas vraiment sentir : le trio a compris que les percussions devaient mener la barque, ponctuant sa longue traversée. Et pour cause, ce titre contient un sample issu de l’album Loop-finding-jazz-records de Jan Jelinek.

La pochette cadre parfaitement avec la musique. On se croirait – en effet – invités à de la musique de chambre jazz, jouée dans l’antichambre de la mort. N’allez pas imaginer par cette comparaison que cette musique serait nauséabonde, ou maléfique, ou que sais-je encore. Non, rien de tout ça ici, je me réfère à l’antichambre paisible de ceux qui croient en un au-delà, et ce quelle que soit la religion. Le xylophone sur « Love chariot » abonde dans ce sens : l’insoutenable légèreté de l’être y est palpable, voire omniprésente. « Two twelve » et l’incruste d’une vraie batterie vient confirmer que l’on se trouve bel et bien à l’écoute d’un très bon album, paisible comme l’eau qui dort, à la production soignée.

Mais c’est surtout certains des bruitages utilisés, comme ce va et vient incessant sur « Tomorrowtoday (part1) » et « Tomorrowtoday (part 2) » qui intrigue, qui titille notre oreille. L’imagination est ici conviée aux premières loges, et, comme à la lecture d’un livre, on est invité à penser et à mettre en images cette musique.

« I am a beautiful and unique snowflake », dont le titre à lui seul est déjà un voyage, est une longue plage de 9 minutes, pierre angulaire de cet opus. C’est le deuxième fameux titre samplant Jan Jelinek. Le piano y est très présent, ce qui prouve bien que le piano faisait déjà partie à part entière de l’ameublement d’origine du groupe. Le titre est une longue déconstruction pianistique et timbalesque, qui va crescendo, crescendo et crescendo, pour finir dans une orgie organique assez rocambolesque.

Le site de Triosk