Le troisième album très attendu de cette sensation post-rock made in france, confirme le talent singulier du jeune prodige Anthony Gonzales. Une oeuvre massive mais passionnante.


Du point de votre serviteur, les albums de M83 suscitaient jusqu’ici autant d’engouement que votre première chemise, c’est à dire un ennui poli. Du bel ouvrage certes, mais qui manquait un peu de relief. Et pourtant, on aurait aimé être fier de ce groupe patriote qui provoquait la jalousie des plus pointus webzines américains.

C’est donc sans réel engouement que l’on attendait des nouvelles du troisième album de M83 alias Anthony Gonzales, devenu seul maître à bord depuis le départ de Nicolas Fromageau. Après Dead Cities, Red Seas and Lost Ghosts (2002) et un EP sorti entre-temps, revoilà donc notre antibois de retour avec un troisième album complètement rechargé créativement parlant. Et oh surprise, la mayonnaise prend plus facilement sur quelques titres.

Composé durant le printemps 2004 près d’Antibes, puis ensuite enregistré durant le mois de juin dans une maison isolée en pleine campagne, les compositions sont pour la première fois adjointes d’une réelle section rythmique. Un excellent point, qui apporte indéniablement plus de chaleur à l’ensemble du disque, mais peut-être aussi une construction mélodique plus évidente. Car le grand changement finalement sur ce disque, c’est le format des compositions qui lorgnent davantage vers des chansons.

De plus en plus mélodique et ambitieux (pour éviter de dire épique), M83 se peaufine avec le temps et donne de plus en plus de profondeur à sa musique. Bien sûr, il se dégage parfois l’impression que ce groupe tâtonne, cherche de nouvelles sensations sans forcément que cela se révèle probant, mais ce soucis de perfection demeurent toujours agréable et respectable. Et de cette démarche aventureuse, Before the Dawn Heals Us parvient à quelques franches réussites, des prouesses parfois même prodigieuses.

Autre changement également, les voix majoritairement présentes, et là on note un certain éclectisme : Cyann & Benn (Ben qui prête sa voix à “Farewell/ Goodbye”), l’actrice américaine Kate Moland (sur le très cinématographique “Car Chase Terror”) et la chanteuse Lisa Papineau. Les choeurs des petits chanteurs de St Louis ont été également enregistrés et égrènent régulièrement les plages de ce disque. Retraitées, les bandes de ses jeunes écoliers ont été déformées, tordues pour aboutir à quelque chose d’hybride, à la manière de My Bloody Valentine. L’addition de ses parties apporte un souffle épique à l’album parfois convaincant, parfois moins probant. Dans ce cas-là, Before the Dawn Heals Us donne le sentiment d’être un disque parfois mal dirigé. Mais il y a aussi de franches réussites qui en découlent, comme “Teen Angst”, avec ses rayonnants choeurs de sirène empruntés à Loveless et au charme hypnotique qui vous aveugle de ses rayons. Magnifique. On notera également les délicieux arrangements de corde du canadien Montag, camarade de label chez Goom.

Les nappes de synthétiseur tendance post-rock dominent toujours, mais il y a également un «vrai» morceau à guitare, « Don’t Save us From the Flames », qui alterne entre larsen synthétique vrombissant et parties plus posées. “Farewell / Goodbye” est à l’opposé plus planant, et utilise avec brio les ficelles de Air (vocoder, synthés fantômatiques…). Autre merveille, le décollage à 90° de Fields, “Shorelines and Hunters” n’a rien à envier à Mogwai. Mixé par Antoine Gaillet (Cyann & Benn, mais aussi Wampas, Pleymo, sic…), le son est toujours assez époustouflant, gonflé par des batteries dorénavant organiques qui semblent mieux équilibrer ce magma sonique.

Oeuvre massive et imposante, Before the Dawn Heals Us est un bon disque, certes pas parfait, mais doté de quelques passages de bravoure mémorable. Seul regret, ce disque démesuré et risqué franchit parfois la barrière du grandiloquant, se perdant dans quelques moments épiques faciles et inutile. Ce manque de maturité est peut-être dû à la jeunesse relative d’ Anthony Gonzales (24 ans), mais le potentiel est là, on le sent, énorme.

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-Le site de Goom