Entre deux dates de la tournée pour promouvoir son deuxième album Peu importe, Philippe Prohom a accepté volontiers notre rendez-vous pour un entretien sur Paris. Revenant sur son parcours musical, de la découverte du synthé à l’électro-rock d’aujourd’hui, de ses premières maquettes conçues dans le salon familial alors adolescent à ses derniers enregistrements en studio, le lyonnais nous offre un propos d’une rare densité. Il évoque avec émotion sa vie de famille, son père qui l’éveilla à la musique, le théâtre et l’espoir.


Issu d’une famille installée dans les affaires, Philippe Prohom n’endosse pas l’image de rebel que certains voudraient bien lui prêter. Il embrasse la carrière de musicien pour échapper à un monde d’ennui et trouver un nouveau souffle dans sa vie.
Autant à son aise dans le milieu bourgeois et clinquant de la profession que dans la mesure et la simplicité, son discours s’étoffe au fur et à mesure des entretiens. Alors plus habitué à approcher l’art de manière émotionnelle, il parle toutefois de son oeuvre mais sans jamais se gonfler d’importance. « Je suis du genre à me dénigrer pourtant mon entourage me dit que je compose de bonnes chansons. Flatter son ego est quelque chose d’impudique, de grossier à la limite de l’arrogance, l’irrévérencieux » nous confiera t-il. Ainsi, le musicien refuse de se montrer supérieur à ce qu’il compose, préférant l’expression de ce qu’il ressent au concept intellectuel.

Chanteur franc et modeste, humain et attentif, notre homme cultive une certaine humilité. A l’instar d’un sociologue, il observe et sonde les maux de la société et de l’individu pour les retranscrire dans une écriture viscérale. Partagé entre un côté vindicatif et militant social, sans être pour autant engagé politiquement, Prohom cerne au travers de ses textes le conflit symbole de notre époque, responsabilité et cynisme, résistance et indulgence.
Simple et touchant, il se livre avec le même mélange de gravité et de sincérité qu’il insuffle à ses chansons.

Philippe Prohom : L’année 1997 a été déterminante dans mon choix artistique. J’ai trouvé sous quelle forme j’allais poser mes mots, dans un mélange d’électro et rock. Lorsque j’ai commencé à écrire des chansons et envoyer des démos aux maisons de disques, je n’étais pas satisfait de ce que je composais. Je démarchais les labels sans trop y croire vu que moi même je n’étais pas convaincu de mon habillage sonore. Je n’assumais pas complètement ma musique. Et puis en trouvant l’alchimie entre mes textes et une rythmique rock teintée d’électronique tout est devenu plus fluide jusqu’à ce que ce style s’impose parfaitement.

Puis, j’ai rencontré Myriam Kanou, aujourd’hui ma manageuse, dont son soutien a été déterminant dans le lancement de ma carrière. Du fait que j’avais été manageur d’artistes je savais qu’il était important d’avoir des appuis confortables pour parvenir à réussir quelque chose.

Pinkushion : Te sentais-tu coincé entre tes deux activités l’une administrative, l’autre artistique ?

Philippe Prohom : Alors que je bossais sur un groupe de Lyon, Virgin ou plus exactement Lithium m’a demandé de m’occuper du groupe Da Capo. A ce moment, je devais choisir entre la vie de manageur ou de musicien. Je ne pouvais pas faire les deux en dilettante et si je poursuivais mon activité de manageur, je n’aurais plus le temps de m’investir dans la musique. J’ai fait un choix et j’ai refilé à Myriam l’affaire. Entre-temps, je lui avais fait écouter une maquette et elle était prête à prendre en charge le management. Toujours en 1997, elle a monté sa boîte de production, Migal Productions, qui s’occupe aussi de ma tournée. 5.jpg

Pinkushion : Au même moment tu as arrêté le théâtre pour te consacrer uniquement à la musique ?

Philippe Prohom : Je composais des musiques pour le spectacle vivant, essentiellement pour le théâtre et de temps en temps je faisais comédien ce qui me permettait d’arrondir mes fins de mois. Puis, on m’a proposé de devenir le rôle principal dans une pièce et je ne suis pas arrivé à assumer cette responsabilité. Je n’étais pas d’accord avec l’interprétation du metteur en scène alors qu’un comédien doit être au service de la direction et se laisser diriger. A ce moment de ma vie, j’ai pris conscience que tant que je mettrai mon grain de sel un peu partout je n’arriverai à rien. De plus, je ne pouvais pas concilier à la fois la musique et le théâtre, chaque activité prenait beaucoup de temps surtout si je voulais vraiment m’y impliquer. Là encore, j’ai choisi de n’exercer que la musique. Toutefois, j’aurais pu arrêter définitivement le théâtre mais ça me permettait de m’épanouir artistiquement. Alors que j’envoyais des maquettes de mes chansons aux maisons de disques et que je n’obtenais que des refus, ces échecs n’étaient guère glorifiant. Pendant trois ans, j’ai essuyé revers sur revers, ce ne sont pas les rendez-vous en maisons de disques qui sont jubilatoires surtout lorsqu’on te ferme la porte au nez. Entre 1995 et 1997, j’ai donc fait des choix décisifs pour la suite de ma vie artistique.

Pinkushion : Adolescent, tes parents t-ont-ils encouragé à développer une sensibilité artistique ?

Philippe Prohom : Mon père est mélomane et de ce fait il m’a fait écouter beaucoup de styles de musiques différentes et m’a ouvert à une certaine approche de l’art. Ma mère m’a apporté des qualités mais pas musicales, ce n’est pas trop sa tasse de thé (Ndlr – Rires). Petit, mon père me faisait écouter des tas de trucs, il m’emmenait voir des concerts. Dans ma famille, il y a beaucoup d’artistes non assumés, qui ont une sensibilité artistique mais qui malheureusement ne l’ont pas exploitée et les rend peut être malheureux. Je suis issu d’une famille plutôt sordide dans le sens que beaucoup de parents se sont suicidés. En rencontrant mes cousins, on essaie de se détacher de ces drames et en parlant entre nous on se rend compte que l’art nous permet de trouver un équilibre. J’ai été élevé dans une famille aristocrate, installée dans le milieu des affaires et par conséquent l’art n’était pas en réelle adéquation avec l’esprit du foyer. Un de mes oncles a été pianiste puis s’est reconverti dans l’industrie. D’être baigné dans un milieu noble laissait peu de place à une émancipation culturelle. Puis la guerre d’Algérie nous a touché de plein fouet et en général la guerre est loin d’être poétique. Toutefois malgré ces circonstances peu propices, je ressens à leur contact une certaine sensibilité artistique.

Pinkushion : Comment t’es-tu autant impliqué dans la musique alors que rien ne t’y désignais ?

Philippe Prohom : Comme je te disais mon père m’a ouvert l’esprit sur nombre de musique et peu à peu je me suis passionné pour la chanson jusqu’à singer une fois seul dans ma chambre avec ma raquette de tennis des poses de stars. En classe de sixième, je voulais être batteur mais comme nous habitions en appartement je n’ai pas pu en jouer. Je suivais l’avis de mes parents et ne bronchais pas. Du fait qu’ils ne voulaient pas m’acheter une batterie, je ne leur ai plus demandé d’instruments. Et puis un jour je suis tombé chez mes cousines sur un orgue électronique. La découverte du clavier a été comme une révélation, l’envie d’en pratiquer ne m’a plus lâché. A un noël, j’ai demandé d’en avoir un et je l’ai eu. De fil en aiguille j’ai acheté d’autres synthétiseurs, des boîtes à rythmes…

Pinkushion : De devenir musicien est-ce une façon de prolonger le rêve de ton père ?

Philippe Prohom : Je ne crois pas qu’il est voulu être musicien. Il a toujours été attiré par le business, c’est un gros bosseur. Il travaille dans des domaines comme la communication, le marketing. Il peint un peu mais n’a jamais pensé à en faire un métier. Il voulait que je reprenne la société. Ma voie était toute tracée, je devais me désigner vers le tertiaire. Mais je me sentais en décalage avec le milieu des affaires. J’ai passé une scolarité à Lyon dans le privé et je ne m’y reconnaissais pas. Je n’avais que trois quatre copains. En plus, j’étais coiffé à la Robert Smith, tout le monde me regardait comme si j’étais la brebis égarée. Jusqu’à ce que je me trouve dans la musique, je ne me suis jamais senti à l’aise dans la société. Paradoxalement, je n’ai pas de problème relationnel avec les milieux bourgeois, peut être parce que j’en suis issu, je m’y trouve aussi bien que dans des squattes. J’ai des amis dans le milieu des affaires et lorsque j’en parle au sein du groupe, les musiciens restent étonnés.

Pinkushion : A partir de quel moment, tes parents ont réalisé que tu ne te dirigerais pas dans les affaires ?

Philippe Prohom : Lorsque j’étais intermittent du spectacle, ils ont dû se rendre compte que je pouvais vivre de mes chansons. Pour eux, c’était comme une crise passagère, comme celle adolescente. Ils me laissaient répéter le dimanche mais il voyait ça comme un passe temps. Quand j’ai arrêté mes études, j’ai travaillé avec mon père pendant six ans. Il venait de créer une société et pour avoir un salaire je suis devenu magasinier pour lui et peu à peu j’ai monté les échelons. Mon désir de vivre de la musique m’a rattrapé et j’ai quitté ce travail pour en arriver là aujourd’hui.

Pinkushion : As-tu prolongé tard le cycle d’études ?

Philippe Prohom : J’ai plutôt raté mes études. Alors que j’étais un élève plutôt doué, dès que je me suis retrouvé dans le privé j’ai arrêté d’étudier. J’ai découvert l’ivresse et autres débauches à partir de ce moment là.

Pinkushion : Considérais-tu la musique comme un échappatoire ou une forme de rigueur ?

Philippe Prohom : J’ai commencé la musique vers seize/ dix sept ans et j’étais dans une phase de révolte et moins d’apprentissage. Les cours de guitare qu’on m’enseignait me passaient au dessus de la tête. Je n’ai pas non plus appris le piano. Le seul instrument que j’ai travaillé est la voix car j’étais conscient que sans une voix correcte je n’assurerais pas les concerts. Il me fallait une technique et pour l’obtenir j’étais rigoureux.

Pinkushion : Etais-tu disposé au chant ? Voyais-tu un don dans ta voix ?

Philippe Prohom : J’ai chanté très mal pendant dix ans. En 1997, j’ai monté le projet Prohom et à la fin de la première répétition, j’ai tout arrêté. J’ai réalisé que je ne savais pas chanter et qu’en concert ma voix était trop faible. Au début, je chantais pour maquetter dans ma chambre et jamais en live, je n’avais pas une voix grandiose mais ça suffisait pour faire illusion. Après cet échec, tous les jours pendant deux heures j’ai travaillé mon chant à répéter mon répertoire. Puis j’ai pris quelques cours de chant pour améliorer certaines techniques vocales. J’essaie d’être le plus rigoureux possible dans ma manière de travailler. Ça passe aussi bien par le studio, les arrangements, les textes, la musique, la maîtrise des instruments. D’ailleurs, j’ai une certaine exigence par rapport aux musiciens qui m’entourent. Je compose mais ne joue pas de piano ni de la guitare, aussi je choisi le groupe en fonction de leur niveau. Depeche Mode m’a ouvert les yeux sur une façon d’écrire des chansons avec une boite à rythmes et sans obligatoirement avoir des connaissances en écriture musicale très développée. Mais ce n’est parce qu’on ne connaît pas le solfège qu’on doit faire de la musique en dilettante.

2.jpgPinkushion : Comment s’est passé ton apprentissage musical. Est-ce que ton style s’est imposé naturellement ?

Philippe Prohom : Lorsque j’ai commencé à écrire, j’avais l’impression d’être en décalage avec la musique que je faisais et les textes en français. Ecrire en français était pour moi synonyme de chanson française. Mais du fait que je n’ai jamais écouté de chansons françaises, je composais une sorte de variété qui ne me ressemblait pas. Dans ma collection de disques je dois avoir deux albums français, un de Véronique Sanson et un de Miossec.
Pendant quatre ans, j’ai dû écrire une centaine de chansons qui ne me plaisaient pas. J’étais confronté au dilemme du rock et de la chanson française. Puis, vers 1997 j’ai découvert Earthling de Bowie puis Prodigy et ces disques ont été une révélation. Aussitôt, je me suis mis à composer ce que j’aimais et est-ce la tendance ou pas du moment suite à l’envoi de démos trois majors m’ont appelé. Toutefois, elles étaient réticentes à sortir les chansons dans ce format pensant que la France n’était pas encore prête à écouter ce courant musical. Au lieu d’attendre, je suis parti en tournée et j’ai arrêté les démarches au près des maisons de disques.

Pinkushion : Pourquoi n’as-tu pas monté ton label ou sorti tes disques en auto- prod ?

Philippe Prohom : J’ai toujours voulu sortir mes disques sur des majors (Ndlr – Prohom est signé chez Polydor qui appartient à Universal), avoir les moyens d’une major, pouvoir enregistrer dans un studio sans penser aux problèmes financiers. Aujourd’hui avec la crise de l’industrie du disque, je pense que ce n’est plus du tout utile pour un groupe comme Prohom d’être signé en major. En indépendant, on ferait les mêmes ventes. C’est pour cette raison qu’on axe tout notre travail sur les tournées. Après me mettre des paillettes sur la tête pour que les médias s’intéressent à nous, je ne le ferai jamais. Mon seul souci est d’être honnête et sincère dans la musique que je propose au public, si les médias viennent vers nous tant mieux mais je n’irai pas faire le guignol chez Stéphane Bern pour vendre mon disque. Et si ça ne le fait pas tant pis. Mon métier est de monter sur scène et tout donner pour toucher le public. Je suis un peu naïf mais je pensais que ça suffisait pour être reconnu.

Pinkushion : Qu’est-ce qui te donne envie d’écrire des chansons ?

Philippe Prohom : Ecrire des textes d’abord. J’écris surtout pour évacuer la colère, la frustration. Je ne suis pas dans la rancoeur ou l’amertume mais dans l’emportement, la réflexion en tant que remarque. Lui est trop con et je l’écris et ça va mieux. Je considère l’écriture comme une thérapie, un exutoire. Je ne me pose pas sur une feuille blanche pour façonner de la poésie mais pour recracher une certaine rage. Lorsque le single « ça oublie d’aimer » est sorti, peu de radios à part celles de Radio France l’ont diffusé en prétextant que les gens n’ont pas envie d’entendre ce type de paroles abrasives dans leur voiture à dix huit heures. Paradoxalement, nous avons vendu quinze mille exemplaires de l’album grâce au single. En écrivant ce genre de paroles, je me libère mais aussi cherche à atteindre le public en le faisant réagir. Et si la personne qui écoute ce titre à la radio se dit je n’ai pas envie de devenir comme le mec décrit mon but est atteint. Je peux comprendre que quelque part mes paroles fassent peur car elles demandent une certaine implication de la part de l’auditeur.

Pinkushion : De porter un regard plutôt pessimiste voire cynique sur la société laisse peu de place à l’espoir ?

Philippe Prohom : Malgré le pessimisme, je trouve qu’il y a de l’espoir dans mes textes. J’ai une vision désabusée, triste de la société mais je place l’espoir dans le fait de dire ne soyons pas comme ça, réagissons. Le titre du deuxième album Peu Importe veut dire peu de choses importe alors concentrons-nous sur ce qui nous engage mais pas on s’en fout. Focalisons-nous sur l’essentiel. Mes chansons sont des gardes fous, lorsque tu te surprends à réagir comme un con redescend, lorsque tu préfères faire la fête alors que tu n’as pas vu ta famille depuis un mois rentres.

Pinkushion : Tu sembles attacher de l’importance à une vie de famille stable, à l’affection, à l’amour. Tes textes sont-ils dans ce sens un miroir de ta propre vie ?

Philippe Prohom : Je ne pense pas avoir souffert d’un manque d’affection ou d’amour de la part de mes parents. Ces derniers se sont séparés très tard, il y a trois ans, alors qu’ils ont une soixante d’années. En discutant avec mes soeurs, on s’est rendu compte que nous avions vécu un ennui pesant mêlé de tristesse au sein de notre famille. Mes soeurs ont en souffert plus que moi, j’étais le dernier, le seul garçon, et du fait que j’étais très malade, allergique, asthmatique j’étais très protégé. Donc je bénéficiais de beaucoup d’affection, d’attention.

Il y a eu aussi beaucoup de drames qui ont touché la famille. Je n’ai plus de grands parents, plus d’oncles et tantes. La plupart de ces accidents arrivaient au période de noël ce qui fait qu’aujourd’hui on exècre tout ce qu’est réunion de famille.

A trente deux ans, j’ai décidé d’avoir un enfant et je n’ai pas échappé à la règle puisque je me suis séparé de ma femme. Bien que nous restons en bon terme, nous avons évité les disputes, on habite à proximité ce qui est pour ma fille profitable, j’ai pris de plein fouet l’ennui amoureux. Avant de jouer de la musique, j’ai passé seize ans de ma vie à m’emmerder. Puis, enfin les dimanches s’égayaient.

Pinkushion : Te sentais-tu responsable au moment de fonder une famille. L’expérience de la tienne n’était-elle pas un handicap ?

Philippe Prohom : Bien sûr. C’est pour cette raison que j’ai mis sept ans pour avoir un enfant. J’appréhendais la responsabilité d’être père. Je ne l’assumais pas bien. D’ailleurs, on s’est séparé aussi parce que je ne voulais pas avoir un deuxième enfant. J’ai déjà assez de problème à m’occuper de moi, à éviter que je fasse des conneries pour prendre en charge ma famille.

Pinkushion : Mais depuis que tu as un enfant, ton comportement change ?

Philippe Prohom : Oui oui. J’assume ma responsabilité mais c’est dur. Tu sais après la naissance de ma fille, j’ai fait quelques séances chez le psy, j’avais du mal à m’en sortir.

Pinkushion : C’est l’amour dans le sens ressentir des sentiments profonds que tu as voulu montrer à travers « ça oublie d’aimer » ?

Philippe Prohom : Bien sûr. Je ne conçois pas une vie de couple basée uniquement sur la complexité. La flamme amoureuse disparaît vite chez moi. C’est une des raisons aussi pourquoi je me suis séparé de ma copine. S’il n’y a plus d’amour à quoi bon continuer. Par ailleurs, il y a des projets de vie qui sont entrés en jeu. Elle voulait une vie de famille avec la présence d’un homme plus qu’un week-end et je ne suis jamais à la maison. Avec cent vingt dates par an, je suis deux cent quarante jours dehors donc tu vois je ne passe pas beaucoup de temps chez moi.

L’amour est un sujet assez délicat. Je n’ai écrit qu’une seule chanson d’amour qui concerne le couple c’est « Restons les mêmes », après c’est beaucoup d’histoires sur les enfants de couple divorcé. Le fait de mettre séparé de mon amie a été un traumatisme absolu, j’étais dans une situation d’échec par rapport à tout ce que j’avais chanté. Mon entourage a été salutaire en me disant « Philippe tu n’es pas pareil, tu ne t’es pas pourri avec elle, tu ne lâches pas tout le monde, tu as déménagé près d’elle, tu t’occupes de ta fille, arrêtes de t’abîmer ». J’ai vraiment eu besoin de cette aide là parce que je vivais un drame, pour moi j’étais devenu le connard que je décrits dans mes chansons. J’ai dû travailler sur moi pour me réévaluer, retrouver le goût de se regarder dans la glace, de vivre.

Maintenant, le sentiment d’amour soit on l’a soit il faut mieux zapper. Je ne pense pas que ça se fabrique.

Pinkushion : Conçois-tu tes textes dans une symbolique sociologique ou poétique ?

Philippe Prohom : Des paroles comme celles de « ça oublie d’aimer », « Les gens font des gamins », « Georges » s’inscrivent dans une chronique sociale et politique au sens originel du terme. Par contre des titres comme « Des millions de forêts », « Heureux » sont à évocation poétique. En fait, j’ai deux écritures. Une automatique où j’ai trouvé un instrumental et je cherche une mélodie et quand je déclenche mon dictaphone j’improvise en français « Bonjour à toi petite soeur tu n’es pas sans savoir que la course à la douleur… ». J’ai un couplet, j’écrits les mots et je m’y retrouve une fois que j’ai un refrain. « Des millions de forêts », « Né à la place d’un autre » proviennent de cette écriture automatique. Puis, il y a celle plus réfléchie, comme pour « ça oublie d’aimer », « Mise en bouche » où je pose les mots pour décrire un sentiment particulier qui me tient à coeur, quelque chose que j’ai au fond de moi et qui me pèse.

Pinkushion : Est-ce que tu te nourris de livres ou as-tu des modèles d’écriture ?

Philippe Prohom : En fait, je lis peu. Par moment, je m’inspire peut être d’une scansion rap pour rapprocher les mots écrits de l’oral. Mais je n’ai pas de modèle d’écriture. A l’école, j’aimais bien les commentaires composés, j’éprouvais beaucoup de plaisir à manier la langue française.

Pinkushion : As-tu l’impression de jouer un rôle dans un engagement politique. En tant qu’artiste te demandes-tu à quoi sert ta position ?

Philippe Prohom : En ce moment, je n’arrête pas de me poser la question. Sur le premier album, avec la chanson « Pas d’idées » j’avais évoqué le fait que tout le monde chante la même chose depuis des décennies et rien n’a vraiment changé. On peut peindre ou hurler dans un micro, composer des chansons d’amour ou contre la guerre, la situation sociale, politique, économique des pays n’a guère évolué voire s’empire. Je tendrais à penser qu’un artiste se place plus du côté divertissement que politique. Pour ma part, je ne suis pas un artiste engagé, je n’appartiens à aucun mouvement politique ou associatif, je ne signe aucune pétition. Un jour, une personne est venue me voir et m’a dit que grâce à la chanson « Mise en bouche » il a démantelé un réseau pédophile sur internet. Six familles qui louées leurs enfants ont été pris au piège et ont été appréhendées. Il m’a montré le procès verbal et pour cette situation précise, j’ai pu servir à quelque chose. Maintenant dans l’absolu, tout le monde chante plus ou moins la même chose et hélas le monde ne change pas. Regardes Bono qui se démène comme il peut, il fait tout pour faire changer les mentalités et autres pensées politiques, au bout du compte il s’épuise tout seul.

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Pinkushion : Au départ quel sens voulais-tu au projet Prohom ?

Philippe Prohom : J’ai commencé à démarcher les maisons de disques sous le nom de Prohom, bien que certains contacts m’ont demandé de prendre un pseudo, mais l’identité du projet musical est étroitement liée à ma personne. Je n’ai jamais considéré Prohom comme un groupe, je compose tout seul, j’amène les arrangements aux musiciens. J’ai pris au départ un guitariste, puis un autre, un guitariste percussionniste, un batteur etc… et au bout du compte nous nous entendons bien. Nous n’avons jamais communiqué sur le fait que ce soit un groupe ou un projet solo. Chacun se fait son propre avis lors des concerts et beaucoup y ont vu un groupe. Prohom rassemble un groupe de personne qui travaille ensemble depuis déjà quelque temps mais nous ne sommes pas une bande de copains qui écoute les mêmes musiques (l’un écoute King Crimson à longueur de journée, l’autre du funk, un autre du trash et moi je suis au milieu) et qui passe son temps ensemble. Aussi, la notion de groupe reste relative. Je connais Manu (Ndlr – Emmanuel Praz, guitariste présent sur les deux albums) depuis 1993, puis Yann (Ndlr – Yann Coste, batteries percussions, présent sur les deux albums) nous a rejoint en 2000 à la suite d’un dossier déposé à l’ANPE et enfin j’ai recruté le bassiste après des auditions (Ndlr – Damien Habouzit les a rejoint pour la tournée). Pour moi, ce n’est pas un vrai groupe et je tiens à garder le monopole de l’écriture, de la musique et des arrangements. Je donne la direction que prendra l’album. Si j’avais demandé l’avis aux musiciens, on n’aurait gardé que sept chansons sur le deuxième album parmi celles proposées. Donc j’impose mon choix mais pour la scène je tiens compte de leur opinion.

Pour revenir à ta question, j’intellectualise très peu ma musique, je me place plus au niveau de l’émotion, de la sensibilité. Soit l’oeuvre me touche, soit pas, je ne cherche pas à conceptualiser mon travail. Le jazz ou l’art contemporain me gonfle pour ces raisons. Ce qui m’importe c’est de toucher le public en étant le plus sincère et honnête possible.

Je trouve que l’art dans les pays occidentaux est dévalorisé du fait que nous avons perdu toute spiritualité qui est à l’origine la base de l’art.

Pinkushion : Depuis trois ans tu évoques une tournée piano voix. Serait-ce une façon de prendre des distances et de ne pas t’enfermer dans un format électro-rock ?

Philippe Prohom : Je suis très piano électrique en fait et assez loin de ce qu’est ma musique aujourd’hui. Pour le premier album, j’avais trente six titres on en n’a gardé que onze, sur le deuxième d’une vingtaine on en a sélectionné douze. Aussi, j’aimerais exploité différemment les chansons non retenues et un peu s’échapper de l’électro rock actuel. J’ai en idée des compositions avec simplement piano voix que j’aimerais enfin exploiter. Ça restera toujours rock car j’ai grandi en écoutant du rock, les premiers disques achetés étaient du AC/DC puis il y a eu Elvis Presley, la country. Aujourd’hui, j’écoute plus Roxy Music ou Kat Onoma que Marilyn Manson. Je me sens proche de groupe comme Kaolin, Maczde Carpate. Noir Desir et Kat Onoma m’ont donné le goût d’écrire en français.

J’aimerais sortir du carcan Prohom. Depuis le début de l’année j’ai développé les collaborations avec des artistes indépendants pas signés, j’ai rencontré une jeune chanteuse de Tours, Joséphine K, j’aimerais participé à des duos, qu’on me fasse chanter des mélodies différentes de celles que je compose. Et puis, j’aimerais aussi réaliser tout seul le troisième album avec un ingénieur du son pour m’éviter de faire de grosses erreurs. Je viens de le faire pour un groupe parisien, La vigie du pirate (Ndlr – Philippe Prohom termine le mixage pour une sortie prochaine de leur deuxième album). sans pression particulière ni participation financière, je n’ai demandé qu’un pourcentage sur les ventes et j’ai réalisé que j’étais prêt pour me lancer dans la réalisation.

Pinkushion : Lors de sa sortie, en bonus de l’album Peu importe figurait un court métrage de Laurent Bouhnik. D’être le protagoniste principal du film t’a t-il redonné l’envie de jouer sur les planches ?

Philippe Prohom : En effet, le court métrage m’a donné l’envie de replonger dans ce milieu mais lorsque je me vois jouer je me demande si je suis vraiment fait pour être comédien. (Ndlr – La discussion se porte alors sur le déroulement du film et la façon d’interpréter le personnage. Philippe réaffirme que c’est une fiction et qu’il n’y a aucune part autobiographique dans le film. On plaisante sur le rôle que tient Philippe d’un homme irresponsable, peu téméraire). A l’origine c’est la maison de disque qui nous a proposé de réaliser une vidéo qu’on mettrait sous format dvd avec le disque. On a donc envoyé les versions de l’album à plusieurs réalisateurs et Laurent Bouhnik nous a contacté. J’avais vu plusieurs films de lui, Zonzon, Select Hôtel, Vingt quatre heures de la vie d’une femme, et humainement on s’est bien entendu. Le tournage a duré cinq jours, le scénario a changé jusqu’au dernier jour, la comédienne principale est arrivée le soir de la première journée de tournage, le film a été monté en trois jours, j’en garde une bonne expérience.

Au début de la tournée, nous avions en décor de la vidéo mais on l’a abandonné en cours de route. Le concept de la création était sympa, nous diffusions sur tout le plateau des images abstraites en relation avec les chansons ce qui n’étouffait pas la musique. C’était de l’image vivante qui ne détournait pas l’attention de l’auditeur des chansons. Mais il nous a manqué des moyens financiers pour pouvoir prolonger l’essai. Si on peut, on réitèrera l’expérience. Tout comme, j’aimerais revenir à la comédie. J’attends les propositions des réalisateurs, je suis ouvert à toute offre!

ProhomPeu Importe

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