Comme le suppose la pochette, les titres technoïdes de toute une génération trouvent ici un souffle nouveau grâce à l’interprétation magistrale d’un pianiste passionné.


Le résultat serait-il le même si Maxence Cyrin s’était emparé de la BO du film La leçon de piano ? Oui, probablement. Reprendre des standards de la scène électro pour nous les resservir à la sauce Chopin, c’est à dire au piano solo, comme un grand, n’enlève rien à la majesté de cet instrument dense que l’on qualifie si justement d’Instrument orchestre. Et cette impression cinématographique est bel et bien présente, puisqu’on pense à Wim Mertens ou à Eric Satie.

Après l’essai quelque peu raté de Sylvain Chauveau reprenant la musique pour les masses de Depeche Mode, voici un autre français qui débarque, pianiste de son état, élevé à la dure loi du solfège au Conservatoire. Formé de la sorte, Maxence Cyrin n’en a pourtant pas oublié d’être jeune et de se rendre à des raves. C’est ainsi qu’il sortira des maxis, sous différentes appellations explicites : Rave Age, Superstition ou PCP. Fan de new wave et d’électro, l’idée de reprendre les standards de son adolescence a d’abord été ébauchée il y a deux ans. C’est ensuite la compilation Megasoft Office qui le voit reprendre au piano « Acid Eifel » de Choice (Laurent Garnier). Puis la rencontre avec ce dernier fait germer l’idée de sortir un album ne comportant que des reprises de la sorte. Chose qui semble aisée peut-être, mais vu qu’il n’y a pas de partitions, c’est à l’oreille que Maxence Cyrin a exécuté les oeuvres reprises ici. Tant et si bien que sans s’en rendre compte, le remix a parfois été privilégié. Ceci dit, on met au défi quiconque de dire que ce disque n’est pas de la pure musique classique, à même de plaire aux amateurs et connaisseurs du genre.

Le disque n’est pourtant pas hébergé chez Deutsche Grammophon ou Decca Classics, mais chez F communications, le label de notre ami – à moitié sourd – Laurent Garnier. Il y a de quoi tomber de sa chaise – de son tabouret pardon. On aura en tout cas aucun mal ni remords à classer la chose entre la belle aux loups et Nikolai Lungansky, voire le maître Alfred Brendel.

On s’incline déjà devant le choix des standards, qui, de plus, donnent envie de piquer une oreille sur les originaux, ce qui est très fort. Aphex Twin, le Beethoven de l’electro, dont deux titres sont repris (« Windowlicker » et « saw2 untitled track 8 »), LFO, Sabres of paradise, à côté de standards plus lambda comme Massive Attack (« Unfinished sympathy ») ou DM (« Behind the wheel ») font de ce disque un véritable bijou. On ne peut qu’être sous le charme d’autant de finesse, mais aussi de passion – car c’est de ça qu’il s’agit. Dans cette dernière caractéristique, « Don’t you want me » de Felix ou « Disco’s revenge » de Gusto sont des perles mettant en avant la technique, le rythme mais aussi l’émotion, retrouvant ainsi un second souffle. Un très beau disque avec lequel les superlatifs ne seront jamais suffisants. On est juste déçu par la longueur des morceaux, n’atteignant que très rarement les trois minutes. Mais n’est-ce pas le propre des préludes de Chopin ?