Stephen Mc Bean vient hanter les cauchemars de Georges Bush sur ce troisième opus, décidément bien « désaxé ». Axis of Evil, ou bien lorsque Lou Reed et Anton Newcombe font un barbecue dans une décharge.


« L’axe du mal », celui dont nous met tant en garde ce saint alcoolo de Georges Bush depuis 2001 (ndlr : Iran, Irak, Corée du Nord) fait ici les frais du second album des Pink Mountaintops. Du moins, c’est la modeste contribution de Stephen Mc Bean – rocker gourou des Pink Mountaintops/Black Mountain à l’allure de Charles Manson – à l’édifice anti-Bush.
Plus que n’importe quel discours militant que Mc Bean pourrait déblatérer, sa musique reste son meilleur porte-drapeau. Les Pink Mountaintops, c’est un peu les zombies de Romero venus foutre le bordel à l’establishment : un rock en marge sortant de l’ampli, boueux et décapé de toute bourgeoisie. Il n’y a pas de bien ni de mal qui tienne dans ces accords de guitares crades, The Pink Mountaintops reflète une Amérique terriblement vraie, qui ne se serait pas encore remise des promesses de l’oncle Sam.

Installé à Vancouver (hors du territoire redneck donc), le canadien Mc Bean n’a jamais été un modèle de citoyenneté. Cet ancien punk tendance hardcore sème désormais une zizanie plus modérée via ces deux projets Pink Mountaintops et Black Mountain. Véritable collectif, insignifiante blague lo-fi ou bien reflet de l’esprit perturbé de son géniteur ? Certainement un peu des trois. Après écoute, il n’y a de toute façon pas vraiment de différence entre les disques des deux formations, hormis peut-être que le premier Pink Mountaintops demeure son disque le plus consistant à l’heure actuelle.

Bien que cette musique soit inclassable et bordélique Stephen Mc Bean livre activement chaque année un nouvel opus de son cru. Sur ce second album des « sommets roses », toujours confectionné en compagnie de son troupeau de musiciens, Axis Of Evil donne à jeter un oeil dans les poubelles de la Tour d’Argent. On y déniche à l’intérieur des restes éclectiques de plats fins gourmets, la plupart même pas consommés et donc encore largement comestibles, mêlés à des déchets couverts de moisissure. Il y a là-dedans des boîtes à rythme puantes, des basses dont le son sortirait d’un entonnoir et puis toujours ces tâches de gras qu’on n’arrive pas à faire partir.

Sur ces sept titres frôlant la demi-heure, les styles se télescopent entre eux, un véritable kaléidoscope rock passé à la moulinette lo-fi : le grossier (Black Sabbath) percute l’usine arty (Velvet Underground). L’odeur de la mort s’immisce dès la première plage sur “Comas”, titre plutôt bien approprié donc, une messe mortuaire célébrée au banjo. “Slaves” s’enfonce dans une spirale rock 70’s morbide, un riff lancinant digne des “Stooges” donne la mesure de ce qui ressemble à un très mauvais trip. Mc Bean endosse alors le rôle de l’Iguane ou bien celui d’un Lou Reed croulant sous les medocs.

Le son évolue davantage dans les sphères d’un rock psychédélique proche des loosers magnifiques du Brian Jonestown Massacre (“Plastic Man, You’re The Devil”, “Cold Criminals”). Sur le fond, “Lord, Let Us Shine” en profite pour dresser un portrait ironique de cette droite républicaine catholique qui ne voit pas plus loin que les frontières de son état puritain (“Marie will save and Jesus will shake your hand”). Sur la forme, c’est une étrange bouillie noisy où des choeurs enfantins, xylophone et guitares ultra saturées convolent en justes noces. Enregistré au mieux sur un dictaphone, “How Can we Get Free” sonne comme un blues résonnant du fond du gouffre et clôt en beauté cette virée historique dans les tréfonds de l’Amérique des laissés-pour-compte.

Axis Of Evil nous replonge dans cette scène du film Gummo, où un gosse bouffe un plat de spaghettis bolognaise dans une baignoire dégueulasse. Un portrait de l’Amérique à la fois tellement misérable, poignant et poétique.

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