Vous êtes à la recherche d’un nouveau guide spirituel ? A défaut d’en être vraiment un et de prodiguer des conseils utiles, John Maus adopte un ton suffisamment solennel pour être rangé dans cette catégorie.


Songs est une messe pour nostalgiques de ces années 80 où certains précurseurs voyaient le synthétiseur comme le groupe idéal. N’importe qui pouvait composer dans sa chambre des paysages sonores venus d’ailleurs. La pop prenait des allures cosmiques. Le rock aimait abuser de ces hymnes synthétiques. Les plus fauchés et aventureux exprimaient leur talent dans le monde des jeux vidéo en produisant des « chiptunes », sorte de muzak destinée à accompagner les hits de votre console Atari ou de votre Commodore 64.

Comme toute messe, Songs s’ouvre sur un bon gros son d’orgue cérémonial. On ne sait pas trop bien s’il annonce une naissance, un mariage ou un décès. Une minute dix plus tard, le prédicateur John Maus entre en scène pour entamer « Time To Die », un sermon sans appel vous annonçant qu’il est temps de mourir. Inutile de vous poser des questions, il vous suffit d’écouter votre corps. Comme l’individu ne se prend pas trop au sérieux, il délivre son message sur une pop bubblegum composée avec un bon vieux synthétiseur et une boîte à rythmes qu’on ne trouve vraisemblablement plus dans le commerce. A peine a-t-on eu le temps de digérer ce message nihiliste que John Maus enchaîne avec « Don’t Be A Body », un texte plus David Cronenbergien. Adoptant une voix plus solennelle, il nous invite à nous accoupler avec, sur ou dans une voiture. A court de rimes, il termine ce couplet commençant avec « Sex with car » par un énigmatique « Sex with Ringo Starr ». Pour délivrer cet appel à la dépravation, le tempo est plus lent et le clavier se fait plus mélancolique. Avec les morceaux suivants « That Night » et « Real Bad Job », notre prêcheur montre un visage plus humain. Sur le premier, il nous raconte ses déboires amoureux à travers une ballade acoustique au son olympien. Sur le second, il reprend son synthétiseur et sur un air plus baroque, nous apprend que lorsqu’on a besoin d’argent, c’est qu’il est temps de trouver un travail. Pour contrecarrer la morosité installée par cette information désespérante, il entrecoupe sa chanson par une petite chiptune sentant bon la découverte d’un niveau secret où il faut ramasser le plus de points possible.

John Maus est philosophe et membre de Ariel Pink’s Haunted Graffiti et accompagne également les efforts solos de Panda Bear, membre de Animal Collective. C’est d’ailleurs Ariel Pink que l’on retrouve comme co-producteur de l’exercice. Avec de telles références, on comprend soudainement mieux l’aspect complètement barré de cette musique anachronique.

Qui dit Ariel Pink aux commandes, dit également ce goût prononcé pour la production approximative, parfois vraiment crade qui donne l’impression que le potentiomètre de votre chaîne hi-fi est occupé à vous lâcher. Je ne m’explique toujours pas l’intérêt de cette pratique obscure qui rend par moment certains passages inaudibles.

Si l’on excepte ce petit défaut technique et le caractère répétitif inhérent à ce son de synthétiseur vintage qui montre rapidement ses limites, ce Songs contient quelques perles qui excusent tout et font de l’exercice un de ces petits plaisirs honteux que l’on écoute en secret. Outre les deux précédemment cités « Time To Die » et « Don’t Be A Body », la mélodie frénétique de « Maniac » rappelle les meilleurs moments de la bande originale de Scarface, voire l’imparable « When the rain begins to fall » de Pia Zadora & Germaine Jackson. Le fantomatique, guttural et torturé « Less Talk More Action » ravira les amateurs de Klinik s’il y en a encore qui s’en souviennent. « Through The Skies For You » et ses petits solos de guitare pathétiques sonne comme une irrésistible relecture des slows des années 80. Pour terminer, l’éthéré « And Heavean Turned To Her Weeping » nous rappelle Tangerine Dream à l’époque où il signait ces nappes de synthétiseurs qui hantaient La Forteresse Noire, le premier film de Michael Mann.

– Le site de Southern