Alberto Iglesias est le compositeur attitré de Pedro Almodovar depuis La Fleur de mon secret (1996), très beau film charnière qui – après le réflexif Kika (1993) – inaugura une nouvelle période de félicité créative pour le cinéaste madrilène. Si le manque de place ici ne nous permet pas d’étayer notre propos, on peut se risquer tout de même à écrire que la musique d’Iglesias a beaucoup contribué à (faire) grandir la mise en scène d’Almodovar. Alliant, surtout depuis Parle avec elle (2004), rigueur et fantaisie, musicalité des images et narrativité de la musique, le cinéma d’Almodovar est en effet pleinement musical. Cette impression de plénitude se ressent dans son dernier film Volver où l’osmose entre les images et la musique y trouve un nouvel aboutissement. Organisés autour des trois personnages féminins principaux (la mère et ses deux filles), les thèmes d’Iglesias procèdent d’un subtil pouvoir d’évocation, nimbant les plans très colorés d’une profonde mélancolie. Surtout, on appréciera ici le travail pointilliste du compositeur, passé maître en la matière, qui distille au sein de son post-romantisme nuancé des éléments latins (une guitare flamenco aux interventions magistrales et bouleversantes, un tango de Carlos Gardel chanté par Estrella Morente – entre autres merveilles) dont la présence ravive autant les racines musicales d’Iglesias qu’elle fait revenir les fantômes d’Almodovar.