Deux albums solo, un article, et la vie continue.


Vénérable institution du rock anglais, les Manic Street Preachers ont tout connu, et même plus. De l’arrogance des débuts au dernier album pantouflard, de l’engagement politique au drame de la disparition de Richey Edwards, ils resteront connus pour deux chefs-d’oeuvre : le très nihiliste The Holy Bible (presque aussi amusant que le Nebraska de Springsteen) et l’expansif Everything Must Go. Actuellement entre deux albums, le groupe ne chôme pas, et deux des trois membres sortent à quelques semaines d’intervalle leurs premiers albums solo.

Les Manics ont toujours travaillé de manière assez particulière en ce qui concerne l’écriture des morceaux. En effet, la musique est écrite par le batteur (Sean Moore) et le guitariste/chanteur (James Dean Bradfield) alors que les paroles sont rédigées par le bassiste Nicky Wire (et par Edwards avant qu’il ne disparaisse). Bradfield n’a donc jamais écrit les paroles qu’il chante, à de rares exceptions près (comme le single « Ocean Spray »). Ces deux albums solo (toutefois accompagnés de musiciens additionnels) sont donc vus comme une occasion pour les deux artistes de concevoir un album eux-mêmes, paroles et musique. On pouvait espérer qu’ils se saisissent de l’opportunité pour montrer une autre facette de leur talent.

Tout d’abord, celui qui a le plus grand appel commercial, The Great Western de James Dean Bradfield. Première impression : on reste en terrain connu, grâce à cette voix reconnaissable entre mille, Bradfield possédant une puissance vocale rarement égalée. On peut le remarquer dans le premier single, « There’s No Way To Tell A Lie », qui aurait peut-être pu se retrouver sur une face B de l’époque Everything Must Go. Par la suite, les meilleurs moments sont ceux où Bradfield quitte ce terrain connu, comme le plus intime « Still A Long Way To Go », ou « Bad Boys And Painkillers ».
En effet, l’album est assez lourd : la voix de Bradfield est suffisamment puissante sans qu’elle soit multipliée sur certains morceaux, et la variété d’instruments (enfin, plus que sur un album des Manics, en tout cas) n’aide paradoxalement pas à apporter de la diversité à cet album, dont le meilleur morceau est sans doute la reprise de Jacques Brel, « To See a Friend in Tears » (« Voir un ami pleurer ») qui prouve que JDB n’a pas à crier pour se faire entendre.

On pouvait se demander à quoi ressemblerait un album solo de Nicky Wire, tant sa relative ineptie musicale est légendaire. Maintenant, on le sait, et on est assez surpris. Il ne fallait pas attendre des miracles de sa voix, mais heureusement elle n’est pas trop insupportable, juste faible. C’est plus au niveau de la musique qu’on est positivement étonnés, car on y trouve quelques influences shoegaze, assez ironiques de la part de quelqu’un qui a déclaré un jour détester plus Slowdive qu’Adolf Hitler. Ceci dit, il avait aussi souhaité la mort de Michael Stipe, mais bon, on vieillit…

I Killed The Zeitgeist (titre prétentieux de l’année) est en quelque sorte l’antithèse de The Great Western. Les morceaux sont plus intimistes, plus personnels, moins professionnels. Et on y retrouve quelques gemmes, comme « The Shining Path », qui m’a forcé à ressortir mes vieux albums de Crowded House et l’excellent « You Will Always Be My Home », aux accents REM période IRS (et tout aussi ironique). Enfin, les paroles sont heureusement moins génériques que celles de JDB tout en restant étonnemment introverties (« My Last Crusade »).

Bradfield et Wire ont eu l’occasion de prouver, d’abord à eux-mêmes et puis au reste du monde (enfin, si ce monde est assimilable aux quelques fans des Manics qui restent), leurs différentes qualités de singers/songwriters. Leurs deux albums sont acceptables, mais c’est celui de Wire qui réussit le test de l’album solo. Ceci dit, aucun des deux n’est réellement bon si on les extrait du contexte « caprice de star », mais il faut reconnaître que les excellents albums solos, on n’en trouve pas des tonnes.