Cette musique pourrait bien concurrencer le new age et devenir la bande son préférée d’un gourou en herbe tant elle colle à notre époque agitée. Ou serait-ce à nous ?


Il y a certains disques qui, franchement, sortent du lot. Squarepusher, avec Fantômas ou The Mars Volta, fait partie de ceux-là. La comparaison peut paraître bizarre, elle se base en fait sur la manière d’appréhender la musique. Véritable remise en question du comment faire et présenter la musique, du comment l’interroger et s’interroger par la même occasion, le résultat – son écoute – est l’occasion pour l’auditeur, en fin de course du processus artisitique, de se poser les mêmes questions, et, pourquoi pas, de se remettre en question.

Tom Jenkinson – le vrai nom de Squarepusher (jamais un nom n’aura été autant à propos) – est un explorateur. Tel son camarade de label, Aphex Twin, il scrute, disque après disque, tous les terrains avec ses machines et ses instruments, et pousse jusque dans ses derniers retranchements les différents genres. C’est parfois beau, limpide, lucide, pur. Parfois aussi dérangeant, brouillon, laid. Comme l’humain et la vie en somme. « The Modern Bass Guitar » balaie bien tous ses aspects.

A l’origine electro, et plus particulièrement drum & bass, bassiste (considéré par certains, tel Flea, comme étant le meilleur of the kind), Tom Jenkinson vit reclus dans son appartement où il s’adonne à sa passion, accordant les interviews au compte-goutte. Tantôt lorgnant du côté du funk (“Theme From Sprite”), tantôt du jazz (toujours inspiré par l’état d’esprit du moment : l’improvisation), il est très difficile de classer et décrire ce qu’il fait. Heureusement, il parsème son parcours et ses disques de titres authentiquement drum & bass, technologiquement au point, comme ce « Rotate Electrolyte », histoire de nous mettre à l’aise. « Welcome to Europe », formidable hymne moderniste à distorsions diverses, devrait revigorer le vieux continent et le pousser à se bouger les fesses plutôt que de s’enfoncer comme il le fait.

Plus facile d’accès que Ultravisitor, Hello Everything demande cependant de la patience. Beaucoup de titres, à l’instar de son précédent essai, sont une expérience que l’on qualifiera d’intéressante, pour ne pas dire enrichissante. C’est le cas de « Vacuum Garden », dont je vous laisse la surprise d’en découvrir l’angoisse.

Last but not least, Squarepusher se distingue également par les titres faisant appel aux instruments plus classiques que sont batterie, basse et guitare – comme la pochette l’arbore si bien. Le martèlement electro vient toujours nous titiller cependant, nous rappelant à nos obligations et nous extirpant d’une nostalgie qui n’a pas – plus – sa place.

On sent bien, en effet, que cette musique est le fruit de la solitude et de tout ce qu’elle renferme. On lit souvent ici et là que même entouré, in fine, on est toujours seul. La diversité, la multitude gargantuesque dans laquelle baignent les titres de Hello Everything, jusqu’au titre de l’album, nous poussent dans le coin (sic) pour nous (dé)montrer cette évidence.

Le dernier titre, « Orient Orange », semble quant à lui rendre un hommage appuyé à l’opéra chinois, genre le plus brouillon qui soit pour les oreilles occidentales. Ce sera pourtant probablement notre lot futur. Vous avez dit avant-gardiste ?

– Le site de Squarepusher