Premier album pour une major, et pas de concessions pour The Decemberists et leur folk-rock érudit.


Groupe culte dans les milieux indie US qui nous ont amené Sufjan Stevens ou Arcade Fire, The Decemberists est un groupe qu’on pourrait qualifier de folk rock littéraire. The Crane Wife est leur premier album pour une major et, en conséquence, est donc censé apporter une exposition plus importante à leur musique, qui n’est pas très commerciale en soi, mais qui n’est absolument pas denuée de charme. Charme amené en grande partie par le chanteur Colin Meloy, fan de Morrissey et puits littéraire : ses paroles sont nettement plus relevées que la majorité de la production actuelle, et son chant s’appuie sur une instrumentation variée, dominée par la guitare acoustique, le piano, le violon et la basse.

Mais The Crane Wife est clairement un album d’histoires, et il faut l’écouter pour entrer dans un monde étrange, limite anachronique, mais très attachant. Á l’image des précités Arcade Fire, The Decemberists ont créé leur propre univers, mais encore plus personnel que les Canadiens. L’album est centré autour de deux cycles de chansons, le premier, « The Crane Wife », est inspiré d’un conte japonais, dans lequel l’avidité du héros le pousse à torturer sa femme ; tandis que le second est directement tiré de The Tempest, de Shakespeare.

Ceci dit, mis à part deux longues suites de morceaux de douze minutes chacune, les chansons ne sont pas particulièrement complexes, et peuvent être parfaitement appréciées sans spécialement considérer les références littéraires – mais elles rajoutent un plus indéniable.

En particulier, on peut mettre en évidence le magnifiquement mélancolique « Yankee Bayonet (I Will Be Home Then) », en duo avec Laura Veirs ou encore « The Perfect Crime #2 », dont le son plus léger est le bienvenu dans un album plutôt sérieux. « The Landlord’s Daughter », second morceau de la suite « The Tempest », est presque une chanson à boire irlandaise, mais le triste « You’ll Not Feel The Drowning », qui lui succède, plombe l’ambiance, subitement assez inconfortable. Mais The Crane Wife n’est pas censé convenir à une écoute distante et aisée, il faut clairement une certaine part de concentration dans le chef de l’auditeur.

Tout cela ne garantira sans doute pas aux Decemberists un grand succès commercial, mais The Crane Wife, sans doute l’album le plus important du groupe (et de qualité au moins égale à son prédécesseur, le classique Picaresque) est au dessus de la simple logique mercantile. On pourrait juste lui reprocher un soupçon de préciosité, mais vraiment, les mots ne suffisent pas pour décrire un album qui ne plaira sûrement pas à la majorité, qui, comme souvent, a tort.

Superbe, personnel, original, un peu suranné sans être abscons ni fermé : The Crane Wife est une gemme, et un des meilleurs albums de 2006.

– Le site de The Decemberists.

– La page Myspace de The Decemberists.