Impossible de résister aux charmes de ces trois jeunes new-yorkaises qui, avec leur second album The Bird Of Music,
nous offrent onze chansons pop primesautières, à la naïveté et à la beauté infectieuses comme un amour adolescent.


Quand j’ai vu pour la première fois la pochette du dernier album d’Au Revoir Simone, je n’en pensais déjà que du bien. Vous direz que c’est de la malhonnêteté intellectuelle de n’être déjà conquis que par les apparences. Que voulez-vous ? Il est vrai que j’ai bien du mal à résister au charme de ces trois jolies jeunes filles. D’autant plus que, comme pour me justifier, les chansons sont à l’image de cette belle pochette, c’est-à-dire élégantes et soignées, totalement désarmantes, tant leur joliesse est évidente.

On pense à l’immédiateté pop de Mates of State, mais la séduction n’est pas la même : là où Mates of State se distingue par sa turbulence et la joie artisanale de sa musique bricolée, Au Revoir Simone présente un son plus tenu, plus poli, tout en volutes et circonvolutions délicatement grisantes.

Les chansons suivent un schéma rythmique et harmonique très linéaire : les mélodies se déposent sur des boucles de synthétiseurs répétées à l’envi, d’où naît une tristesse un peu diffractée – qui fait le prix de toute chanson pop. Une sorte d’arc en ciel de sentiments, s’il fallait définir une telle chose, où de la tristesse et de la joie émergerait une fragile beauté.

“The Lucky One” introduit tout doucement l’auditeur dans l’univers d’Au Revoir Simone. Un clair tintement de crécelles se fait d’abord entendre, auquel s’ajoutent des accords de piano légèrement plaqués, et des synthétiseurs à la beauté insidieuse. En quelques secondes, Au Revoir Simone nous fait parvenir au coeur de sa musique. Puis la voix suave d’Erika Forster s’élève caressante, elle aussi n’est qu’envoûtement. Le chant s’épanouit peu à peu dans une joie solaire, “Light my sunshine” s’enfle à mesure qu’il est répété jusqu’à un paroxysme d’intense jubilation, à la lueur duquel on devine un certain chagrin, tapi au creux de la musique.

Il n’y a pas vraiment d’antécédents à une telle musique, alliage miraculeux de la pop sixties et d’une technologie eighties remise au goût du jour. Même si l’ombre des Beach Boys et de tout un pan de la pop californienne se dessine au détour des chansons, si l’influence de Stereolab est flagrante, si on décèle ça et là quelques réminiscences d’easy-listening et s’il plane aussi comme un parfum des Carpenters sur chacun des morceaux. Et comment résister finalement à la mélodie lumineuse de “Stars” ? “A Violent Yet Flammable World” nous effleure de la main et nous emporte dans un tourbillon d’émotions contenues, pudiquement sous-entendues derrière le voile de la musique.

Les chansons d’Au Revoir Simone font penser aux petits chefs-d’oeuvre pop du réalisateur Wes Anderson : elles ont le même pouvoir de suggérer l’amertume derrière le bonheur apparent, elles paraissent tendre, avec la même émotion, à la pureté irrémédiablement perdue de l’enfance. A ce titre, l’album est traversé d’images de l’innocence, que ce soit «la neige tombée» du troisième morceau aux paroles déchirantes (“Fallen Slow”), ou les scintillantes étoiles du neuvième (“Stars” ).

A la première écoute, on pourrait croire que The Bird Of Music est un album insignifiant, joli mais sans portée véritable, qu’on oubliera aussitôt après l’avoir écouté. Peut-être, en effet, qu’il ne nous en restera pas beaucoup plus qu’une impression un peu vague. Mais elle nous fera revenir souvent auprès de cet album, car il nous aura tendrement rappellé les joies innocentes de l’enfance et le romantisme fleur bleue de l’adolescence, avec une sincérité jamais prise en défaut.

– Le site de Au revoir Simone