98% de matière grasse. Avec des vrais morceaux de guitares dedans !


Coming Clean commence sur les chapeaux de roues. « One Man’s Meat », un boogie-blues râpeux comme Ben Harper n’en fera plus jamais, ouvre le bal sur un rythme tonitruant et échevelé. Puis la voix éprouvée de l’ancien compère du Captain Beefheart fait son entrée pour plonger encore plus profond la tête de l’auditeur dans la boue. Mais l’état de Grace est stoppé net à exactement 2:37 par un solo de guitare proprement atroce. Soit il s’agit là de l’album de blues rock le plus court du siècle, piraté qu’il fut par un Eric Clapton ayant tété du mescal, soit Gary Lucas doit sérieusement prendre les premiers signes de l’avachissement au sérieux.

Le massacre se prolonge par « Coming Clean », la cavalerie ayant rencontré le Doc de Retour Vers Le Futur dès les premières mesures. « Under My Wing » verse plutôt dans le blues de Lucky Peterson, comprenez une carte postale kitschissime pour touriste musical abonné aux radios commerciales et égaré par erreur sur FIP. Vous en voulez encore ?

On reste pantois devant autant de ratés. Gary Lucas est-il devenu à ce point péteux depuis sa collaboration historique avec Jeff Buckley que les conseils avisés d’un producteur lui semblent superfétatoires ? Heureusement, de temps en temps, son immense maîtrise de la six cordes délivre de bien belles surprises, comme cette « Fata Morgana » jubilatoire (ou « Evangeline » dans une moindre mesure). Mais que le chemin semble long jusque-là (16 titres pour la version bonus !!!). Sans compter que ce morceau est bel et bien un accident de parcours dans un disque aussi pénible. Cette vraie merveille est qussitôt suivie par un « Spirit Moves » ridiculement véloce. L’horreur atteint son paroxysme quand Gary Lucas décide d’aborder des thèmes légendaires du septième art. « Psycho » et « Lullaby From Rosemary’s Baby » sont ainsi éviscérés au marteau pilon d’une guitare vulgaire comme rarement. Bernard Herrmann et Krzysztof Komeda doivent en avaler leurs partoches célestes…

Vous ne pensiez tout de même pas que vous alliez pouvoir souffler ? Quand on loue une tronçonneuse, autant la rentabiliser. C’est ce que fait Gary Lucas en invitant des potes à sa sauterie. David Johansen d’abord, pas exactement effrayé par la musique balourde. Mais la palme du grotesque est vaillamment disputée par Michael Schoen qui massacre littéralement « Mojo Pin » et, surprise du chef, Elli Medeiros qui tient bien son rôle, à savoir chanter comme une quiche langoureuse dans une « Skin Diving » putride. Et puis on sait rire chez Gary Lucas, allez écouter dans son intégralité « Land’s End » chantée par l’énigmatique et néanmoins horripilant Richard Barone, et vous aurez une idée assez précise de ce à quoi pourrait ressembler le tuning s’il existait pour la musique.

Arrêtons là l’acharnement thérapeutique. Concluons en soulignant que la version bonus compte trois covers supplémentaires… Je vous laisse imaginer le résultat. Juste histoire de vous achever, voici la liste des victimes : « Lullaby From Rosemary’s Baby » donc, « Ain’t Got You » de Bruce Springsteen et, ce brave Gary n’ayant décidément pas froid aux yeux, « Astronomy Domine » de Pink Floyd… L’arrière grand-mère de mes enfants a raison quand elle me répète sans cesse que c’est moche de vieillir.

– Pour les masos, le site de Gary Lucas

– Pour s’en payer une bonne tranche, le site de Richard Barone (et une petite surprise sur la photo de la page d’accueil)