Troisième album chez Sub Pop pour le combo de Portland, qui revient toujours aussi enragé (et engagé), mais sous des atours nettement plus pop.


S’il fallait trouver une qualité à Bush jr, ce serait bien d’avoir, par sa politique désastreuse, engendré une vague de contestation artistique jamais vue depuis les 60’s. On a ainsi vu de nombreuses stars du rock en pré-retraite remonter au créneau (REM, Springsteen ou Pearl Jam en tête) et de jeunes pousses se découvrir une conscience politique (Bright Eyes, M. Ward). Cependant, peu ont montré autant de rage et d’engagement que The Thermals sur ce troisième album chez sub pop.

The body, The Blood, The Machine n’est pas à proprement parler un concept-album politique (ouf !), mais il est traversé de part en part par une urgence fulgurante et une incroyable animosité envers son époque. De sa voix étranglée de prêcheur dégénéré, Hutch Harris y dépeint une société américaine gangrénée jusqu’à son sommet par l’intégrisme religieux et le fascisme ; charge politique d’autant plus forte que les images saisissantes (Locust tornadoes, crosses, and Nazi halos…) succèdent à des titres qui claquent comme des slogans révolutionnaires (« Power Doesn’t Run On Nothing », « Back To The Sea »). Cependant, là où beaucoup se contenteraient d’une dénonciation frontale et stérile, Harris établit constamment un parallèle entre cette société répressive et le besoin d’évasion qu’elle induit. Qu’il s’agisse d’une échappée bien réelle (« A Pillar Of Salt ») ou de celle, plus intellectuelle et poétique, qui se trouve dans le regard de l’autre (superbe « St.Rosa And The Swallows »).

Un contenu d’une telle force pourrait laisser à penser que le fond (politique) prime sur la forme (musicale). Or sous la houlette du producteur Brendan Canty (qui s’y connait en énervés, puisque membre de Fugazi), le groupe de Portland, Oregon bénéficie pour la première fois d’un son à la hauteur de sa rage. Réduits à deux membres après le départ du batteur Jordan Hudson, parti sous des cieux plus cléments avec M. Ward, Hutch Harris et Kathy Foster ont en effet profité du temps passé en studio pour affiner (et affirmer) leur identité musicale. L’un se chargeant d’élever de véritables murs de guitares, pendant que l’autre se muait à elle seule en une section rythmique surpuissante, assurant basses et batteries. Et si les deux prédécesseurs de cette troisième livraison, More Parts Per Millions et Fuckin’ A pêchaient par un son un peu rêche (doux euphémisme !) et une certaine linéarité dans les mélodies, The Thermals sèment ici un nombre incroyable de petites trouvailles réjouissantes (gimmicks guitaristiques, claviers et orgues en tous genres), de variations rythmiques et de refrains efficaces, qui font de The Body, The Blood, The Machine leur disque le plus accessible à ce jour.

C’est justement cet aspect plus pop (eux se qualifient de post-pop-punk) qui leur a ouvert récemment la porte de grands festivals (Dour, All tomorrow’s parties, SXSW) et donné une plus grande visibilité médiatique (malgré une pochette sujette volontairement à la polémique). Gageons donc qu’ils trouveront vite un large public à qui répandre leur bonne parole subversive, et de nombreuses dents conservatrices à faire grincer !

– Le site de The Thermals.

– Leur page MySpace.