L’Angleterre enfante de nouvelles têtes à claques que vous allez adorer détester. Ce coup franc inaugural recèle un bon stock de pop songs dignes de ce nom.


Voilà typiquement le genre de disque qui ne changera pas la face du rock, mais dont l’anti-prise de tête assumée s’avère salutaire. Les britons de The Pigeon Detectives, quatuor rock dans sa forme la plus consensuelle, n’ont pas le style des Libertines ni la fraîcheur des Artic Monkeys et encore moins la grâce des Smiths. Les quatre lascars de Rothwell, potes inséparables depuis la crèche, ont même plutôt le profil du bruyant jeune fêtard qui pullule le vendredi soir dans les pubs, celui qui ne peut s’empêcher de vous croiser sans vous hurler fraternellement aux oreilles, brandissant sa pinte à moitié renversée (soupir). Fidèle à cette éthique de « lads », la brit rock des Pigeon Detectives se veut sans chichis : une rythmique bien remontée, des guitares graissées et derrière le micro un dur à cuire au coeur tendre – ici l’élément perturbateur se nomme en l’occurrence Matt Bowman. Le phénomène Oasis en quelque sorte. Croyez-le ou non, cette vision de l’Angleterre vaguement prolétaire et dégénérée nous manquait un peu. Wait For Me est un bol d’air frais face à cette hype rock parfois un peu trop arrogante.

Si l’on sent l’affaire réticente de prime abord, les Pigeon Detectives marquent des points sur la longueur. Ces quatre gaillards n’ont cure de se soucier du monde qui s’écroule autour d’eux mais leur vacuité est compensée par une solide dose de mélodie. Oliver Main, le Noel Gallagher de la bande, sait torcher des refrains indéboulonnables qui se sifflent sans trop glisser vers l’hymne putassier. Là où d’autres combos plus présentables peinent à pondre ne serait-ce qu’un seul single potable, les débraillés Pigeon Detectives tirent à bout portant des refrains qui se logent directement dans la caboche.

On sent bien que le gang formé depuis 2002 a rôdé ses compositions sur scène avant de les coucher à plat en studio. Produit par Will Jackson (Kaiser Chiefs), Wait For Me entend rafler la mise en jouant la carte de l’efficacité sans temps mort. Ils ont d’ailleurs auparavant écoulé en six mois une jolie brochette de singles qui a provoqué un petit séisme en Grande Bretagne. Bizarrement, les garnements ouvrent le feu mollement avec les deux morceaux les moins mémorables du lot (« Romantic Type »
et “I Found Out”), les plus connotés « Libertines » aussi. On ne les sent pas vraiment à l’aise dans cette tenue trop cintrée pour eux. Et puis les choses sérieuses commencent sur le troisième titre, le bagarreur “Don’t Know How To Say Goodbye”, un riff croche-pied qui pile brusquement sur un refrain qui transpire la désinvolture juvénile des Undertones. A coup de refrains repris en choeurs, nos élèves dissipés jouent des coudes sur le percutants “Take Her Back”, “Caught In Your Trap”, “I Can’t Control Myself”. Il y a même un instant de grâce, “Wait For Me”, un petit miracle d’insouciance rock qu’on n’attendait pas de leur part.

Ainsi pris dans les mailles des Pigeon Detectives, il devient dur de s’en dépêtrer. Cela devient même embarrassant sur “Stop Or Go”, un air tellement enfantin, qu’on se surprend à le siffler à voix haute. On se retient. Attention quand même à ne pas franchir la ligne rouge, comme sur le plagiat flagrant des Killers sur “You Better Not Look My Way ».

Si la machine met un peu de temps à démarrer, lancés sur le bitume à pleine vitesse, les Pigeon Detectives (le nom le plus débile de l’année, soit dit en passant) se permettent de doubler sur la gauche le nouveau Kaiser Chiefs qui semble avoir perdu un boulon sur la route. Le péché mignon du mois.

– Le site officiel