Le trio qui avait bien failli faire pogotter la France entière en 2004 revient avec un deuxième album rassurant. Un peu trop peut-être ?


Deportivo est une histoire de potes. C’est limpide, c’est écrit partout. Il est donc logique que leur musique soit une musique de potes qui aiment le foot, la bière, Miossec et Noir Désir. Jusque là, rien de bien excitant, pas même leur origine géographique puisque Bois D’Arcy n’est pas forcément la ville la plus sexy des Yvelines. Comment expliquer alors que le trio soit à ce point attendu au tournant ?

Il faut remonter à 2004 pour comprendre l’effet que produisit Deportivo sur le public (jeune et moins jeune) orphelin de Noir Désir. C’est cette année que fut publié Parmi Eux, un premier disque ravageur, qui en un peu moins d’une demie-heure mit le feu aux poudres. Le fougueux trio laissa entrevoir un horizon s’éclaircir définitivement pour le rock français après l’avènement d’Eiffel et, dans une moindre mesure, de Luke ou d’Elista. On restait dans une veine franco-française, mais cette scène existe, et n’a pas d’autre ambition que le pur plaisir de jouer à fond de cale, si possible avec un minimum d’attention accordée à l’écriture pour ne pas sombrer dans le cliché de balloche. Et en se posant un tout petit peu en réaction à l’adoubement artificiel de la « nouvelle chanson française », quand même.

Forcément, à l’aune de ces considérations, le deuxième album de Deportivo déçoit à la première écoute. Là où Parmi Eux donnait l’impression d’un combat de boxe en 11 rounds et à sens unique, ce nouvel effort semble plus poussif. La faute à la voix de Jérôme, le chanteur ? Une voix aujourd’hui pâteuse quand elle était belle comme un torpilleur en 2004. Ou peut-être à un son plus sale qui ne séduit pas de prime abord ? Ou encore à certaines chansons un peu trop grasses ? Ou tout simplement à la disparition naturelle de l’effet de surprise ? Un peu tout ça, sûrement.

Pourtant, la recette est identique. Alternance de textes (tous aboutis) en anglais et en français, de brûlots power rock et de titres plus légers (et souvent drôles). Que ce soit la tête dans l’ampli (“Exorde Baratté”, “En Ouvrant La Porte”) ou les doigts de pied en éventail (“La Brise”, “Suicide Sunday”), les franciliens font preuve d’une aisance totale dans l’écriture. On y trouve même une reprise particulièrement enlevée d’un des multiples tubes alcooliques de l’ami Miossec, “Les Bières Aujourd’hui S’ouvrent Manuellement” (avec l’aide du précieux violoniste de Louise Attaque, Arnaud Samuel). Sans compter l’intervention de Gordon Raphael (The Strokes) au mixage. Cela devrait rutiler, mugir, casser la baraque et rameuter la maison poulaga. Et pourtant on reste sur notre faim.

Finalement, ce qui cloche dans de deuxième effort n’est pas imputable au groupe. On sent bien que ces chansons sont taillées pour la scène, lieu de combat préféré du trio de surexcités. La plupart d’entre elles y ont d’ailleurs été rodées. La charge explosive est toujours compressée, les fourmis sont insupportables, les trois garçons n’ont qu’une envie, en découdre. Et se sentent finalement à l’étroit dans le format enregistré. Mal enregistré.
C’est là la raison principale de ce goût amer. En voulant rendre le son plus brut que sur Parmi Eux, ils ont voulu faire revivre l’esprit de Nirvana quand Cobain et ses potes livrèrent un In Utero mîteux (sur un plan sonique) qui avait pour mission de faire oublier le travail de directeur marketing que fit Butch Vig en rendant Nevermind aussi bruyant que clinquant. Mais In Utero sentait la mort et pullulait de titres énormes, bien supérieurs à ceux de son prédécesseur blond platine. Deportivo (l’album), n’a rien à envier à Parmi Eux sur le plan musical, mais ne lui fait pas non plus le plus petit soupçon d’ombre. Il est dans sa continuité la plus stricte (ce qui est louable). D’autant que le son de Parmi Eux était déjà outrageusement brut. Erreur de jeunesse.

N’empêche, même si on aurait peut-être préféré un peu plus de hurlements et un peu moins de hou-hou-hou, les Deportivo confirment tout le bien que l’on pense d’eux, et sont bien partis pour embraser quelques années de plus les scènes françaises avec leur rock’n’roll qu’un protège-dents n’arrête pas.

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