Juste retour des choses, la boussole n’oublie pas d’où l’on vient, elle qui désigna un jour le point cardinal où tout a commencé pour Zach Condon, Paris, une rue, une fanfare qui joue à bâtons rompus, le déclic et un premier disque, Gulag Orkestar, salué plutôt deux fois qu’une. La France donc, de nouveau à l’honneur avec The Flying Cup Club, ses villes, ses banlieues, ses films, ses accordéons, sa poésie naturaliste, son multiculturalisme. On savait le cinéma, notamment français, en voie de momification accélérée (cf. La Môme ou Le Deuxième souffle), on ne se doutait pas que le formol s’était aussi répandu sur le terrain musical, que le vieillot s’était invité à la table de la modernité pour la recouvrir avec son linceul rapiécé. Trop concentré à s’épargner l’écueil du tourisme ou de l’exotisme, Zach Condon (qui n’a ni la profondeur de chant de Rufus Wainwright, ni les qualités de parolier et de compositeur visionnaire de Sufjan Stevens – deux songwriters à qui on le compare assez souvent) a le souci de voyager à la marge des zones par trop balisées, mais la naïveté de croire que l’énergie à les arpenter suffit à faire céder la gangue des clichés. La France recréée en musique par Beirut a des airs de monde sous cloche, le mélange des sonorités francobalkaniquoorientales, aussi séduisant à l’oreille soit-il, ne déplace pas les frontières, il les sédimente à l’intérieur d’une nostalgie un brin racoleuse qui vogue de chromo en chromo. Postulat : le brassage musical ne garantit d’aucun succès artistique a priori (cf. aussi la sortie récente du premier album rock-world de Yeasayer), surtout lorsqu’il tient plus de l’illustration sympatoche (une petite ritournelle pleine de cuivres par ci, une jolie valse bringuebalante par là) que de la nécessité esthétique (désolé de ressortir du placard la dialectique moribonde fond/forme). Tapissé de couleurs locales, l’accueillant club de Beirut rassemble les badauds de tous bords en leur vendant une soupe aux épices qui a la goût du sucre. Jusqu’à quand son tenancier fera-t-il encore diversion ?

– Le site de Beirut.
– La page Myspace de Beirut.