En introduction, la reprise de George Harrison “Savoy Truffle”, étirée jusqu’à plus soif sur dix minutes de blues-rock déluré, déluge de guitare électrique, de Moog, de batterie et d’harmonica chauffés à blanc, saisis sur le feu d’une époque qui croyait dur comme fer que le rock lui appartiendrait pour toujours. A la voix et presque tous les instruments, suppléé tout de même à la guitare par le futur Big Star Chris Bell, un producteur/ingénieur du son loué et doué (Led Zeppelin, Isaack Haynes, The Staple Singers, Al Green, Otis Redding, Bryan Adams, etc.), mais décidé à jouer cette fois-ci l’artificier et aussi le guerrier, pour voir comment ça fait, juste pour rigoler, pourquoi pas, enregistrer quelques morceaux à Memphis, hiver 68-69. Quelques compos personnelles, surtout des reprises (dont deux de Lennon-McCartney), un manque de sérieux encore évident à l’écoute de ce jubilatoire mélange de pop psychédélique, de rockabilly, de soul et de blues. Et un gars de chez Stax Records qui passait par-là, interloqué puis séduit, il en demande un peu plus, de quoi remplir un album, Home Sweet Home. Presque quarante ans après, réédité et complété de trois titres (dont un anecdotique et a fortiori dispensable “I Can’t Stand The Rain” joué live), le précieux objet ne se contentera pas d’alimenter les bacs à raretés ou à souvenirs. Dionysiaque à l’époque, voire régressive, cette musique à peine jaunie possède supplément d’âme (écouter la version rocailleuse et frénétique de “I Wanna Be Your Man”) et valeur documentaire salvatrice à l’heure où plagistes et ersatz de tous bords usent du dévergondage comme d’un faux-semblant ostentatoire et voudraient nous faire prendre des vessies rock pour d’incandescentes lanternes.

– Le site de Terry Manning.