On est des vilains garçons. Parfois, on reçoit des disques à la couverture hideuse, et du coup, on a un mauvais a priori sur la musique qui se cache derrière. Celle de Digging In The Dirt, premier album de la californienne Erinn Williams, est tellement moche qu’on a bien failli la renvoyer au label, lui rappelant que nous n’étions pas Télé 7 Jours. Pensez donc, une fille coiffée comme Mireille Mathieu (rousse) un 14 juillet à Neuilly-sur-Seine, des fleurs partout et des jolis petits zoziaux, hors de question de se fader un disque pareil… L’erreur eût été regrettable tant l’habit ne fait pas le moine (la nonne, en l’occurrence). On aurait dû se méfier, il y a fort longtemps on avait bien failli commettre le même outrage à un disque de Dead Can Dance. Car voyez-vous, Erinn Williams marche réellement sur les traces de Lisa Gerrard, et pas seulement sur l’aspect visuel. Cette jeune chanteuse a fait ses classes dans les conservatoires d’art lyrique. Elle en a retiré une science du chant que l’on croyait vraiment réservée à la seule Australienne précitée. Digging In The Dirt est un album à la blancheur intimidante, fragile et profond. Sur des arrangements sobres, glaciaux ou au contraire franchement orageux, éclairés de quelques touches electro vicieuses, Erinn Williams étale toutes ses capacités dans de multiples registres, préférant la sobriété, ce qui est la marque des grands. Triste, mélancolique, colérique ou la plupart du temps littéralement envoûtante, la chanteuse longiligne (plus glam que baroque, au passage) habite ses chansons avec une force discrète incroyable. Puisant son énergie dans le même volcan que Beth Gibbons, creusant son sillon à côté de celui de Björk ou suivant les traces laissées dans la neige par Tori Amos, elle mène sa danse sans toucher le sol et sans scrupule. Pour un résultat hautement toxique, et régulièrement brillant. S’il fallait lui trouver un défaut, ce serait celui de sa jeunesse, à savoir quelques facilités mélodiques ou quelques raccourcis de production, un manque de bouteille en somme. N’empêche, Digging In The Dirt n’en est pas moins un album remarquable, et qui devrait toucher durablement tous ceux qui croient encore à la grâce, fût-elle inscrite dans les ténèbres. Promis, on ne s’arrêtera définitivement plus à la couverture.

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