A la périphérie du Buffalo Springfield et des Beach Boys, la nouvelle bande d’un ex Band of Horses, convole, piano debout, dans les hautes sphères de la pop pastorale.


Ironie d’un super groupe qui s’ignorait, Carrisa’s Wierd, défunte formation de Seattle dont la notoriété en son temps n’a pas dépassé l’état de Washington, a envoyé sur orbite une poignée de groupes satellites aujourd’hui devenus « bankable ». A commencer par Band Of Horses, impériale chevauchée sauvage dont les rênes sont tirés par le barbu Ben Bridwell, et ex co-frondeur de Carrissa’s Wierd. Aujourd’hui c’est au tour de Grand Archives, projet très exposé du non moins poilu Mat Brooke, ex Carrissa’s Wierd et ex guitariste spatial de Band Of Horses sur leur désormais classique Everything all the time. Et puis dans la foulée paraît simultanément l’album de Sera Cahoone, qui n’est pas une femme à barbe, mais s’est distinguée derrière les fûts de deux groupes pré-cités. Tous signés sur Sub Pop, cela va de soi… Enfin, il serait criminel d’omettre la plus épaisse touffe du lot, Tyler Ramsey, nouveau guitariste de Band Of Horses, dont le disque solo aux douces résonances boisées est vivement recommandé…

Pour les inconditionnels du rodéo pop de Ben Bridwell, Grand Archives est un sérieux client. Bénéficiant de l’aura flamboyante de Band of Horses, car ayant officié en son sein, l’annonce du projet de Matt Brook en 2006 a suscité d’entrée de grandes espérances, les démos circulant sur la toile bien avant qu’un contrat discographique en bonne et due forme ne soit signé. Pourtant, il ne faut pas voir en cette nouvelle étoile un simple succédané de Band Of Horses. Si on peut effectivement trouver quelques atomes crochus, notamment une préférence pour les refrains exacerbés et les grandes plaines à conquérir (rien de tels qu’une pedal steel et un harmonica pour invoquer ces paysages vierges…), Grand Archives préfère se concentrer autour d’une pop léchée et grandiose. A l’écoute de leur répertoire (et de leur nom), le quintet se serait cultivé dans les pages d’une vieille encyclopédie consacrée à la « power pop » mais qui s’arrêterait en 1976 : productions en grand huit du Buffalo Springfield, vocaux en canons de la baronne Wilson évidemment, et plus enfouie encore, une affection pour la mélancolie maudite chérie par quelques figures seventies comme Badfinger ou les Raspberries. Les premiers albums du Big Star d’Alex Chilton nous reviennent également, pour cette étrange confusion entre apparats pop scintillants et textes profondément mélancoliques.

Si le piano s’affiche comme l’emblème, le sceau de leur croisade mélodique, il n’est pas forcément l’instrument clé, comme le montre une protubérance d’instruments à vents (trombone, saxophone, trompette, flugelhorn…). Autre différence, tandis que toute l’intensité de Band Of Horses est focalisée sur le chant haut perché de Ben Bridwell, Grand Archives s’attèle à développer une entité de groupe. Unis comme un bloc autour de Brook, le guitariste/clavieriste Ron Lewis (Ghost Stories), le guitariste Thomas Wright, le batteur Curtis Hall et le bassiste Jeff Montano s’appliquent à provoquer une émulation collective pour le moins spectaculaire : ce souffle est particulièrement impressionnant sur “Index Moon”, “Sleepdriving” (aux beaux violons) et « Swan Matche », sans conteste les pics du disque.

Hélas, du fait peut-être de cette cohésion, l’ensemble sonne surchargé, et traîne sur la longueur de l’album un étrange effet de répétition. Même si Brook sait indéniablement composer de grands morceaux, The Grand Archives pâtit un peu de cette surcharge instrumentale et aurait gagné à un peu plus de confinement, d’intimité. Si le quintet de Seattle n’a pas encore atteint l’excellence d’un Summerteeth de Wilco, il y travaille néanmoins d’arrache-pied.

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