Des New yorkais mettent de la couleur en toute mélodie. Et cela nous va bien.


« C’est notre décision de vivre vite et de mourir jeune » déclare de façon tonitruante et provocatrice “Time to Pretend” dès l’ouverture de l’album Oracular Spectacular. Annonce programmatique, folle et théâtrale ambition par laquelle MGMT (prononcer Management) nous entraîne aux rythmes de mélodies syncrétiques dans cette course toujours plus rapide pour nous arracher à la pesanteur et redonner de la légèreté à notre corps tout juste sorti de l’hiver. L’album sonne comme un feu d’artifice où scintillent d’innombrables couleurs, où se mélangent des sonorités venues de toutes les époques de la pop, où se confrontent les strates du passé pour produire d’insoupçonnables collusions mélodiques : musique néanmoins absolument actuelle car elle paraît venir d’ailleurs, les MGMT s’imposent d’emblée comme les enfants de Ziggy Stardust, descendus ici bas seulement pour nous emporter.

Ce voyage sonore sera ainsi, et aussi, un transport dans le temps, comme si ce n’était que dans l’appropriation de toutes les formes musicales populaires que ce vaisseau spatial puisait son élan vers l’infini et au-delà. Pink Floyd comme Abba, David Bowie comme Daft Punk, Ennio Morricone comme Polyphonic Spree, seront comme autant de transitions et d’inspirations, de territoires aux frontières devenues floues car la musique de MGMT offre un éclairage, comme une lumière nouvelle, abolit les hiérarchies, transcende les clichés et littéralement nous fait perdre la tête. Adressés à nos corps, à chacun de nos membres, les rythmes sont autant de motifs chromatiques qui nous éclaboussent, rayonnent et nous élancent. Éloge de la superficialité car il semble pénétrer de façon innocente des sphères musicales séparées, Oracular Spectacular se tisse de ces bouts atomisés, de ces touches impressionnistes, de dimensions illimitées qui dessinent la figure de nos mouvements dansants, de nos danses éperdues et légères.

“Time to pretend”, hymne ironique dépeignant une jeunesse simulant le désarroi pour mieux se vautrer dans l’étourdissement de la jouissance ouvre le disque et en impose le ton : jouer, feindre, imiter, arborer tous les déguisements, adopter toutes les inflexions pour mieux s’en amuser. De la voix synthétique à l’abondance des lignes mélodiques, ce titre est véritablement la métonymie de tout l’album. Talent de faussaire, chaque titre rappelle un genre, un groupe, un artiste sans toutefois y perdre sa propre singularité, car l’unité d’Oracular Spectacular est dans la pluralité, son identité dans la différence : “Youth” est conduite par une voix de crooner inactuelle, “Electric Feel” semble capter tout l’univers de Justice quand “Weekend Wars” et “Piece Of What” reproduisent la voix nasillarde et trouble de Why?. Ces variations sur des thèmes et des formes connus plutôt que de s’épuiser vers une mortifère nostalgie ont paradoxalement le pouvoir de projeter de la candeur et de l’agitation enfantine (“Kids”).

Ainsi, pleinement, pour MGMT la couleur et les sons se répondent, et si les mots ont des bornes, Oracular Spectacular, accomplit cette sentence de Balzac que la langue musicale est infinie et nous entraîne en des contrées toujours nouvelles.

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