Depuis quelques années, l’oeuvre du violoncelliste, chanteur, compositeur et producteur new-yorkais Arthur Russell (1952-1992) fait l’objet de nombreuses sorties posthumes. Des morceaux épars disséminés à différentes périodes de sa vie se voient compilés par des personnes bien avisées, soucieuses de rendre hommage à l’auteur du magistral World of Echo (1986) en montrant, justement, que l’art protéiforme du musicien ne saurait se réduire à ce seul chef-d’oeuvre underground. À l’initiative d’Ernie Brooks (le bassiste des Modern Lovers), Steve knutson (le cinéaste auteur de A Portrait of Arthur Russell, sorti cette année) et Tom Lee (son plus proche musicien, responsable des émouvantes notes du livret), Love Is Overtaking Me ambitionne ainsi de dévoiler une facette plus pop-folk de Russell, quand précédemment Calling Out Of Context (2007) mettait par exemple en exergue des compositions électro-dub et disco-house visionnaires. Enregistrées entre 1974 et 1990, les vingt-et-une chansons de Love Is Overtaking Me revêtent un caractère minimaliste et presque classique comparées aux nombreux titres avant-gardistes que Russell a délivrés tout au long de sa courte mais riche carrière. Tout l’intérêt de ces morceaux tient d’ailleurs dans ce « presque », cette façon unique et bouleversante qu’a le multi-instrumentiste (on le retrouve aussi bien à la guitare acoustique, aux claviers/programmation ou avec son instrument de prédilection, notamment seul sur le superbe “Eli”) de se tenir à la lisière d’une beauté fragile et perfectible. Folk (“Maybe She” qui évoque Nick Drake, le timbre de voix de Russell étant très proche de ce dernier), pop (“Habit Of You”, “Hey ! How Does Everybody know”), ballades sentimentales (“Oh Fernanda Why”, “I Couldn’t Say It To Your Face”), country (“Big Moon”) sont tour à tour visitées avec ce qu’il faut de subtils décalages et d’approximations, quand ces diverses orientations ne se croisent pas au sein d’une même composition (“Your Motion Says” mélange entre les lignes pop, country et disco). Juste des chansons, certes, mais des chansons on ne peut plus justes.

– Le site de Rough Trade
– La page MySpace d’Arthur Russell