Quarante et un ans après la parution de son premier disque éponyme, Os Mutantes sort un nouvel album. Backing band de Gilberto Gil et Caetanao Veloso, puis fleuron de la scène tropicaliste à la fin des années 1960 et au début des années 1970, le trio originel a connu à partir de Mutantes e seus cometas no país dos Bauretz (1972) — son cinquième et dernier grand disque — de nombreux changements de line-up, Sérgio Dias Baptista (guitare) étant resté seul aux manettes après le départ de son frère Arnaldo (basse, claviers) et de la chanteuse Rita Lee Jones. Remis en selle sur le tard par David Byrne et sa compilation Everything Is Possible (1999), le groupe brésilien (re)composé d’Arnaldo et Sérgio Dias Baptista, Dinho Leme (batterie), mais sans Rita Lee, entame en mai 2006, au Barbican Arts Center de Londres, une série de concerts suffisamment applaudis pour laisser espérer une suite studio. Chemin faisant, Haih… Or Amortecedor… de sortir aujourd’hui, via une énième mouture de la formation, puisqu’aux côtés des indécrottables Sérgio Dias Baptista et Dinho Leme, on trouve désormais les deux vétérans tropicalistes Tom Zé (qui a co-écrit avec Sérgio Dias la moitié des morceaux) et Jorge Ben, épaulés par de jeunes musiciens avertis (Fabio Recco, Vitor Trida, Bia Mendes…). Eu égard au profond respect que l’on porte à ces légendes vivantes de la musique brésilienne, n’ayons pas peur ici de dire que cet album frise l’indécent plantage. Transformée au fil des années et remaniements en marque de fabrique, Os Mutantes s’est peu à peu vidé de sa substantifique moëlle contestataire et artistique, au point d’apparaître à présent comme le produit dérivé d’un tropicalisme obsolète. Si Haih… Or Amortecedor… revêt une esthétique emblématique du genre (entre racines folkloriques brésiliennes, voire plus largement latino, et pop-rock psyché anglo-saxon), si l’engagement politique demeure un moteur palpable (tout y passe de Bagdad à Rio, le disque s’ouvrant et se refermant par un “Hymns of the World” censé en dire long) et si les chansons, prises séparément, s’avèrent le plus souvent de qualité, force est de constater que l’ensemble tourne à vide. Manque une nécessité faite art. Un bouillonnement d’idées et une exubérance qui échapperaient à l’autocitation/glorification, voire à la caricature pure et simple.

– La page MySpace de Os Mutantes