Si le batteur et percussionniste américain John Hollenbeck fait montre depuis plusieurs années de solides dispositions instrumentales, la sortie de ce Royal Toast, quelques mois seulement après celle du faramineux Eternal Interlude, l’impose en compositeur d’exception. Ce cinquième album du Claudia Quintet — avec Ted Reichman à l’accordéon, Chris Speed à la clarinette et au saxophone ténor, Matt Moran au vibraphone et Drew Gress à la contrebasse –, augmenté pour l’occasion de la présence revigorante du pianiste Gary Versace, sonne en effet comme le plus abouti à ce jour de la formation new-yorkaise. Alternance d’amples mouvements collectifs et de courts intermèdes improvisés, investis un à un par chaque musicien comme autant de préambules thématiques ou de transitions qui indiquent un changement de tempo ou de combinaison orchestrale, Royal Toast définit une géographie sonore par-delà les idiomes usités du jazz, du rock, de la musique de chambre et minimaliste. À ceci près que John Hollenbeck s’évertue moins à combiner ces multiples inflexions stylistiques en surjouant une post-modernité sonore éclatée et référencée, qu’il ne se soucie de fondre et moduler à même son écriture tonale les différents registres compositionnels qui leur sont afférents. Musique irisée de l’effleurement, de la résonance, du retour aux fondations (« Paterna Terra ») et du tumulte cadencé — plutôt que de la citation stricto sensu. Hautement sophistiquée, majestueuse, dense mais homogène, Royal Toast impressionne en raison de sa richesse (rythmique, chromatique, harmonique), du sentiment de limpidité et de profonde plénitude, sinon de quiétude (l’ode conclusive, aux accents cinématiques, « For Frederick Franck »), qui découle de son écoute attentive. Aux antipodes du revival pré-mâché, le Claudia Quintet réinvente un idéal de musique transversale et traditionnelle (« Ideal Standard ») qui oeuvre, non sans amusement, à célébrer l’éternité des saveurs (de la nouveauté) et du (bon) goût.

– La page MySpace du Claudia Quintet
– Le site de Orkhêstra

– En écoute : « Ideal Standard »