Adulés par une petite poignée de fidèles, les Américains de Phantom Buffalo n’en sont pas moins grands dans l’art de faire vaciller leur pop lo-fi avec une bouleversante économie de moyens.


Qu’ils sont discrets, ces fantômes. Plus jeunes, ils ne pouvaient être que des élèves timides, pas vraiment du genre à lever le bras à tout bout de champ pour se faire remarquer par la maîtresse. Non, on les imagine plutôt heureux en retrait, satisfaits de ne déranger personne, perchés dans leur monde, le plus près possible de la fenêtre. Dans leurs cahiers griffonnés durant les cours d’éducation civique, on trouve des trésors, des dessins de stratocumulus aux formes incroyables…

Des années plus tard, l’histoire est un éternel recommencement. Cement Postcard With Owl Colour, le troisième album de Phantom Buffalo, formation originaire de la petite ville de Portland (dans le Maine, pas Oregon), est un des secret les mieux gardés de la pop. Leur premier album ShiShiMuMu (2002), sorti en 2005 chez Rough Trade, reçoit de très bonnes critiques, mais la gloire s’arrête là. Trois ans plus tard, leur deuxième album, le tout aussi merveilleux Take To The Trees (2008), pâtit d’une distribution limitée aux seuls États-Unis. Aujourd’hui, Cement Postcard With Owl Colour sort uniquement sur le vieux continent, notamment en France, sous l’impulsion du label Microcultures. Cette nouvelle structure épicurienne de pop musique entend financer ses artistes grâce au mécénat de particuliers (plus de détails par ).

En dépit de son statut confidentiel, Phantom Buffalo n’a pas besoin de budgets mirobolants pour assurer sa formidable mécanique des rêves. Dans cette pop lo-fi qu’il affectionne, la seule limite est l’imagination. Et autant dire que depuis ShiShiMuMu, la magie est intacte. L’artisanat du quatuor américain réside en deux atouts. Tout d’abord, la douce voix tout en sourdine de Jonathan Balzano-Brookes, un sentimental de la trempe de Stuart Murdoch, qui vous révèle des secrets bouleversants au creux de l’oreille. Et, atout tout aussi fondamental, ses lignes de guitare en suspension, nappées d’écho : une élégance épurée, héritée de l’illustre catalogue des Néo-Zélandais Flying Nun. Il faut porter aux nues ses arpèges byrdsiens mémorables, poussés par une pédale delay modèle Galaxy 500 (hypersensible “Atleesta”), cette synergie de mélodies tarabiscotées qui retombent miraculeusement sur leurs pattes (“Battles of The Roses”, “Ray Bradbury’s Home”, la reprise grandiose “Goliath Tale”…). S’il fallait initier votre meilleur ami à ce groupe, nul doute que “Greenstar Botanical Airway” serait le choix idéal : un chef-d’oeuvre dans sa maîtrise des silences, où la ponctuation d’une guitare claire, stratosphérique, semble arrêter toute notion de temps.

En guise d’épilogue, relatons l’anecdote du titre choisie par ce groupe francophile : Cement Postcard With Owl Colours serait le résultat donné par une traduction automatique sur le Net d’une chronique française de ShiShiMuMu. Cette description, on ne peut plus juste, est toujours valable aujourd’hui.

– Site officiel

– Site du label Microcultures

“Ray Bradbury’s Home” sur YouTube :