Plus dénudé que jamais, le grand Mark Kozelek et sa guitare sèche atteignent de nouveaux sommets sur ces admirables promesses non tenues.


Une fameuse expression prend tout son sens avec Mark Kozelek : il pourrait très bien chanter le bottin sans briser l’enchantement de l’entendre. « Formule » qu’il s’est d’ailleurs lui-même amusée à décliner sur des albums de reprises incongrues (AC/DC, Yes..). Particulièrement inspiré ces derniers temps, l’américain publie avec une régularité de métronome (environ tous les deux ans) des albums de très haute tenue. A tel point que cette remarquable constance tendrait à installer ses fans dans un certain confort qualitatif, donnant presque à penser que l’ex Red House Painters réécrit la même — superbe — chanson indéfiniment. Or, ce serait céder à la facilité que de le penser, ne faisons pas l’erreur d’attendre que cet immense songwriter ne soit plus de ce monde pour mesurer son talent.

L’auteur d’Ocean Beach n’a pourtant de cesse de porter plus haut sa signature inimitable. Compositeur à la mélancolie admirable, ancré dans un certain classicisme déphasé, ce faux solitaire préférant se cacher derrière un groupe met un point d’honneur, sur chaque album, à réinvestir son univers. Aussi, ce quatrième chapitre de Sun Kil Moon pourrait s’apparenter à un album solo, tant Mark Kozelek a choisi d’épurer son propos. Section rythmique et électricité absentes, le dialogue de deux guitares sèches s’épanouit dans une éblouissante beauté. Et, bien sûr, il y a la chaire de cette musique : la présence toujours diaphane et désincarnée de cette voix, ourlée de quelques choeurs discrets.

Admiral Fell Promises est un recueil de folks songs nocturnes, donnant la troublante illusion d’avoir été enregistrées à des heures tardives où le temps n’a plus d’accroche. Au contact de ses arpèges entrelacés, le vague à l’âme détaché de l’auteur du Rollercoaster Album n’en devient que plus gracieux. L’apport inédit, c’est l’apparition d’une touche hispanisante, un baroque feutré : Kozelek promène ses ballades folks dans des variations de style classique, avec la technique fluide qui en découle, mais sans la moindre crânerie.
C’est l’occasion d’insister sur le merveilleux guitariste qu’il peut être : le virtuose “Australian Winter”, un « Church Of The Pines” plus médiéval, ou encore “You Are My Sun” et son superbe coda tout en escalade en témoignent.

Le charme de l’album opère instantanément, mais il faudra plusieurs écoutes pour apprécier toute les infimes subtilités de ces dix pièces — totalisant tout de même une heure d’écoute. La chanson éponyme, les incandescents “Aselund” et « Bay Of Skulls », sont à ce titre de nouvelles pierres angulaires apportées à son déjà imposant répertoire. Et qui en font sans conteste l’égal contemporain des plus grands, quelque part entre Nick Drake et Neil Young.

– Site officiel

– Lire également la chronique de
Sun Kil Moon – Ghosts of the great Highway (2003)

– En écoute « Church Of The Pine » :