Dream-pop never ends.


Véritable concentré de fragilité, la musique des Canadiens discrets de Memoryhouse n’était a priori pas destinée à voir tant de lumière. Apparu comme auteur d’un projet multimédia minimaliste et insaisissable, le duo de l’Ontario aura un temps nourri tous les fantasmes des amateurs de pop vaporeuse. Quelques morceaux prompts à suspendre le temps, disséminés sur des singles en séries hyper limitées ou seulement écoutables sur la toile, un univers esthétiquement fort (un Artwork unique, développé autour des clichés magnifiques de Denise Nouvion) auront ainsi alimenté la rumeur grandissante de l’éclosion d’un groupe qui allait compter. Puis vint l’inévitable signature sur un label aux ambitions internationales, l’incontournable Sub Pop emportant la mise de haute lutte. Dès lors, les paris étaient ouverts : Memoryhouse survivrait il à ce qui, pour un tel groupe, s’apparente en quelque sorte au passage à l’âge adulte ?

Les premières écoutes de The Slideshow Effect désorientent légèrement : désormais plus sûre de son fait, la paire avance fièrement, toutes guitares dehors. La voix de Denise, elle, ne se cache plus derrières des tonnes d’artifices. Débarrassées de leurs oripeaux dream-pop, les compositions prennent dès lors le risque de laisser apparaître leurs limites, voire même leurs défauts. Et c’est justement cette sincérité qui fait toute la réussite de ce premier long format. Memoryhouse se réinvente ainsi en groupe pop capable de véritables tours de force mélodiques auxquels on prédit un joli destin radiophonique : « The Kids Were Wrong » ou « Walk With Me » accélèrent le tempo au rythme des guitares, quand le refrain mémorable d' »Heirloom », sommet du disque, touche en plein cœur, et risque de nous poursuivre très longtemps. « Old Haunts » conclut elle l’affaire en rétablissant un peu du mystère et ouvre de nouvelles voies en ressuscitant avec bonheur les ambiances magnétiques de Mazzy Star.

Alors bien sûr, tout sur The Slideshow Effect n’est pas d’un niveau égal, et certains titres plus réservés et trop propres sur eux peinent à décoller et surtout à nous émouvoir réellement (« Punctum » ou « Bonfire », à titre d’exemple). On pourra également déplorer le côté un peu strict d’un intérieur aujourd’hui légèrement trop bien ordonné et auquel il manque certainement un petit brin de folie. Mais on se dit que Memoryhouse devait probablement passer par cette étape. Car désormais armés d’une évidente confiance en eux et d’un sens mélodique incontestable, on ne doute pas un instant que Denise Nouvion et Evan Abeele nous réservent un avenir radieux. La folie, elle, devra sans doute attendre encore un peu.

Memoryhouse – « Bonfire »