Un trio français aussi subtil qu’énergique offre un EP fascinant. Vivement recommandé.


Rebirth Of Joy est le premier EP de Polaroid3 (auparavant Polaroid4, auteur d’un album, One, sorti en 2008). Polaroid3 serait basé à Strasbourg. Basé, façon de parler, car l’écoute de ces quinze minutes atypiques évoque plutôt un astre apatride, en mouvement perpétuel, soufflant d’un même tenant le chaud et le froid. Voici donc quatre titres dissemblables et cependant convergents, une musique constamment intrigante et pourtant vite familière. Des sons savants qui se rendent accessibles, une inspiration ténébreuse transcendée par une énergie plantureuse, une pulsion vitale. Polaroid3 affirme une identité visuelle, esthétique et sonore impressionnante, sans surenchère ni artifices, dense sans être étouffante. Une science de l’instinct mettant à jour un outremonde fourmillant de vies sensuelles et sensorielles.

On pourrait avancer que la voix de Christine Clément – également compositrice – est l’élément essentiel de cet édifice à fleur de peau. Une voix à variations multiples, expressive et aguicheuse, n’hésitant pas à se porter au bord du précipice pour en éprouver le vertige. Une mise en danger théâtrale comme expression totale du don d’interprétation. Alors oui, les mélodies vocales de Christine Clément sont craquantes et à croquer, spécialement sur “The Suburbs Of A Secret” et “A Word Is Dead” (poèmes d’Emily Dickinson, 1830-1886). Mais la force de Polaroid3 tient tout autant aux dynamiques rythmiques et textures electro-organiques tissées par Christophe Imbs (synthétiseur, Fender Rhodes) et Francesco Rees (batterie). Des arrangements aussi subtils que puissants. Christine, Christophe et Francesco font partie du collectif Oh !, fondé en 2008 et oeuvrant à développer des projets sur « les musiques créatives d’aujourd’hui ». Nourrie de jazz, de rock, de pop,etc. mais affranchie de tout style défini, la musique de Polaroid3 est effectivement fort créative.

“You Must Go On” soutient une tension en montée progressive, bientôt viciée par des effets schizo. C’est une Blondie Blue Velvet au regard intraitable, une Laura Palmer ressuscitée chez Portishead. L’intro amniotique de “The Suburbs Of A Secret” nous évoque un autre EP adoré, le Half-Life des Pale Saints, paru en 1990. Toujours ascendante, la tension se montre caressante, rêveuse ; une magnifique ballade dans l’espace avant l’alunissage. C’est “A Word Is Dead”, chanson aussi envoûtante, souple et tendue à la fois, se finissant en électrochoc. Enfin, “Not Here, Not There” (autre poème de Dickinson) vient conclure le voyage sur un rythme plus espiègle. Une nouvelle fois brillamment composé et interprété, le morceau prend son envol et nous laisse en suspend. En attendant patiemment la suite discographique de ce trio épatant, ceux qui le souhaitent pourront les découvrir en live et gratuitement (avec un autre groupe prometteur, Le Vasco), le samedi 8 décembre à 20h30 au 114 (rue Oberkampf) à Paris.