Quatrième opus sans fausses notes pour ce singulier quatuor britannique, chantre d’une pop mélancolique et sensuellement sophistiquée.


De la grâce saupoudrée de sophistication, Wild Beasts en a fait sa signature. En près de dix années d’existence, le quatuor originaire de Kendal (GB) s’est imposé, album après album, comme une des formations incontournable du Royaume-Uni, du moins pour tout mélomane pop amateur de renouveau. Depuis leur début encore hésitant, Limbo, Panto (2007), jusqu’aux somptueux Two Dancers (2009) et Smother (2011), le quatuor a indéniablement élevé le débat au sein d’une scène insulaire actuellement engoncée dans une brit pop vaguement shoegazy archi ressassée. Car si écrire une bonne chanson peut être à la portée de tout musicien, faire preuve en sus d’originalité n’est pas donné à tous. Wild Beasts possède ses deux qualités [[NB : On se permet d’insister que le fait que les Wild Beasts sont des multi-instrumentistes accomplis proposant sur scène un spectacle à la hauteur de leurs ambitieux albums, ce qui est loin d’être le cas chez certains de leurs camarades prétendus « sérieux ». Leurs concerts sont donc rudement recommandés.]].

Rare de plus sont les groupes qui peuvent se targuer d’avoir non pas un, mais deux chanteurs exceptionnels en son sein. Hayden Thorpe et Tom Fleming, ici en l’occurrence les deux têtes pensantes, ont su parfaitement tirer parti de la singulière dualité de leur voix : respectivement une sensualité androgyne étonnamment troublante pour le premier, gravité masculine et suave pour le second. Tous deux n’ont jamais aussi bien chanté que sur ce quatrième opus, Present Tense, qui poursuit les prospections électroniques feutrées de Smother.

L’année dernière, le quatuor désormais installé à Londres, a décidé de briser le cycle éreintant tournée/album pour se consacrer une année entière à l’écriture de ce quatrième opus. Autre bouleversement, la collaboration avec leur producteur de longue date Richard Formby, a été temporairement mise de côté. Dans l’optique de bousculer leurs habitudes, les « bêtes sauvages » ont donc cette fois sollicité du sang neuf, en la présence de Leo Abrahams (Ed Harcourt, Brian Eno) et Alex ‘Lexxx’ Dromgoole (Björk, et déjà impliqué dans le mixage des deux précédents opus). L’apport de ces deux producteurs spécialisés dans l’electro est prégnant tout du long de Present Tense. De fait, Wild Beasts a choisi de ne pas jouer la surenchère lyrique et se tourner plutôt vers une très subtile épuration instrumentale : prédominance de nappes éthérées minimalistes, guitares froides et atmosphériques, rythmiques audacieuses, dessinent ensemble des ambiances tour à tour voluptueuses et liminaires.

Loin d’avoir tourné le dos à la pop, Wild Beasts signe encore avec « Mecca » et « Palace » quelques grandes pop songs envoutantes. Le spectaculaire premier single « Wanderlust » est à la hauteur des promesses : des claviers inquiétants muent lentement en des nuances rêveuses et mélancoliques, tandis que des battements rythmiques frénétiques prennent le pouls émotionnel du chant fébrile d’Hayden Thorpe. Sa voix androgyne, magnifique de retenue, prouve qu’elle n’a pas besoin de pousser le maniérisme pour transmettre son beau et cruel vague à l’âme.
En comparaison, Tom Fleming n’a certes pas le timbre unique de son acolyte, mais il est capable à plusieurs reprises de se surpasser : on garde toujours en mémoire sur Two Dancers l’incroyable « All the King’s Men », et aujourd’hui encore sur le sensuel et ambigu « Nature Boy » ainsi que le très torturé « A Dog’s Life ». « Sweet Spot » l’un des rares titre où le chant est partagé par les deux leaders, marie merveilleusement émotion organique et nappes frigides. En dépit de quelques errances synthétiques (le japonisme plat de « Daughters », et un « Pregnant Pause » faiblard mais dont on s’accommode grâce au chant), ces menus écarts n’empêchent pas Present Tense d’être encore une fois de l’ouvrage de très haut vol. Cette mélancolie possède une classe folle. Définitivement, un grand groupe pour un grand album.



Wild Beasts en tournée en France:

11.04 Lyon – Le Marché Gare
13.04 Lille – L’Aeronef
16.04. Paris, FranceLe Trabendo