Sur leur second opus produit par Ty Segall, les girls de La Luz agrémentent leur Surf Rock illuminé d’un supplément d’âme qui sent le vécu. Profond.


C’est une sorte de renaissance. De celles qui vous changent, vous arrachent ce doux duvet d’innocence, mais vous apportent un peu plus de profondeur. Cette renaissance, c’est un passage tout proche de la mort : en novembre 2013, alors Girls Group façon sixties swinguantes genre Shangri-Las, les membres de La Luz se retrouvent, à la sortie d’un concert, coincées dans leur van. Celui-ci vient de s’échouer sur une rambarde d’autoroute, et, le souffle toujours coupé, elles perçoivent le son des pneus crissant du semi-remorque qui vient s’écraser sur elles.

Sans un miracle, les membres de La Luz seraient restés à jamais ce groupe de filles cool du clip « Brainwash », entrainant à souhait, bien que peu original. Pourtant, c’est dotées de ce petit quelque chose en plus qu’elles reviennent aujourd’hui avec Weirdo Shrine, radiant, mais dont le fond est noir comme une Bande Dessinée de ce dérangé de Charles Burns. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : sous la fuzz et les chÅ“urs psychés, l’album cache (si peu) un hommage au tourmenté Black Hole, Å“uvre culte qui narre les mésaventures d’ados en proie à un virus leur infligeant des déformations physiques répugnantes, et les poussant à l’écart de la ville (Seattle, dont sont originaires les membres de La Luz), créant une communauté de parias vivant dans la forêt. Une sorte d’allégorie de l’innocence bafouée.

On croit entendre des sirènes nous appeler sur l’enivrante, « Sleep Till They Die », douce montée dépouillée à la Alexander Spence, sur laquelle chaque instrument entre dans la danse l’un après l’autre, et qui parle du temps qu’il nous reste, ainsi que du besoin qu’il y a à l’utiliser. Passée cette mise en humeur, la rythmique s’emballe et nous sort de notre torpeur (« You Disappear », « Black Hole » et « Weirdo Shrine »), pour mieux replonger dans ce Surf Rock plein de reverb et lancinant à souhait (« I can’t Speak »), dans un univers proche de nos Liminanas nationaux, moins Yéyé et plus Californien, évidemment.

Nous parlons Californie, Fuzz et vintage ? Il est là, évidemment : Lorsque les jeunes filles ont décidé de se remettre en selle, elles ont demandé conseil à leur copain Ty Segall de leur trouver un ingénieur du son leur correspondant. L’omniprésent blondinet s’y est collé, et a offert d’enregistrer dans son home-studio à Los Angeles, apportant ainsi son aura, et ce quelque chose dans la production qui illumine tout ce qu’il touche. Il y a certainement apporté sa patte. Pour ce qui est de l’âme, elles n’avaient besoin de personne.