Fraichement signé sur le label de Thee Oh Sees, le wizard hyperactif de San Francisco Kelley Stoltz, en profite pour glisser dans sa pop baroque quelques touches de synthés enoesque.


Avec Kelley Stoltz, le terme d’esthète pop n’est pas usurpé. Cet orfèvre du « Do It Yourself » est un vétéran de la scène garage pop alternative de San Francisco qu’il fréquente, ou plutôt émulsionne, depuis la fin des années 90. On dénombre à ce jour près d’une dizaine d’albums sous son propre nom et autant de Eps – dont trois opus chez Sub Pop entre 2006 et 2010 salués par la critique (on avoue un faible pour Circular Sounds paru en 2008). Malgré tout, le label phare de Seattle qui signa les Shins lui a finalement rendu sa liberté, probablement faute de ventes satisfaisantes.

Si manifestement ses vignettes pop vintage aux relents baroques sont peut-être un peu trop tordues pour le grand public, elle ouvra sans conteste la voie à toute une nouvelle génération de psyché rockers émancipés, qui en récolèrent les lauriers, Ty Segall en tête. En témoigne ses talents de metteur en son très sollicités par les groupes de la baie de San Francisco (dont The Mantles récemment). Après un bref passage chez Third Man (Double Exposure en 2013), Stoltz a récemment trouvé refuge sur le label du charismatique John Dwyer, Castle Face Records. On ne pouvait lui espérer meilleur projection médiatique que d’être pris sous l’aile du leader de Thee Oh Sees, son vieil ami qui n’a pas oublié de lui renvoyer l’ascenseur. Et le voilà reparti de plus belle, puisqu’il dégaine simultanément cet automne trois nouveaux disques : tout d’abord un sympathique EP sobrement intitulé 4 new Cuts, puis l’album de Willie Weird, son alter ego barré, où le multi-instrumentiste Californien laisse exprimer sa sensibilité de bidouilleur studios.

Ce qui nous amène enfin à ce In Triangle Time, qui n’a pas manqué d’éveiller notre intérêt, celui-ci étant le plus abouti du lot. Soit douze vignettes pop azimutées, où pour la première fois s’immiscent quelques notes diffuses de synthétiseurs dans cet environnement, qui jusqu’ici, ne franchissait jamais 1969 sur la frise temporelle. Pas de quoi crier au scandale, l’artisan Stoltz n’use qu’avec parcimonie de ces machines. Les nappes de claviers analogiques ont plutôt tendance à raidir les rondeurs « pop » pour un glam-punk angulaire – les très berlinois « Cut Me Baby » et « Little Love » où Stoltz chante à la manière d’Iggy Pop produit par David Bowie. Le stakhanoviste dégote même sur l’irrésistible « Crossed Mind Blues » un riff génial de guitare aux circonvolutions tamponnés du seau cosmique « Interstellar Overdrive« , et qui a dû rendre un peu jaloux John Dwyer. Même s’il s’autorise un peu de science-fiction 80’s sur « The Hill », Kelley Stoltz n’a garde toujours un Å“il dans le rétro 60’s, notamment sur le très kinksien « Heart Full of Rain », et « You’re Not Ice ».

On découvre enfin sur la plage ultime qu’un autre laborantin le génial touche-à-tout Phil Manley de Trans Am, est crédité sur le mystique « Destroyers & Drones » à la « flutar », comprendre guitare eBow. Pas besoin de faire un dessin pour comprendre que ce disque bouillonne d’idées incroyables. Quand Kelley Stoltz laisse libre cours à ses délires, il reste quasi imbattable.

En tournée en novembre à Paris (17), Lille (18), Besançon (19) et Toulouse (30)