Les routes infinies du continent américain défilent comme dans un rêve. Inner Journey Out des New Yorkais Psychic Ills est la bande son de cette errance sans lendemain.


 

L’été propage ses ondes chaleureuses. Réceptif à ces interactions positives, chacun est à la recherche de l’équation idéale, qui additionnera : humeur détachée et aventureuse, et musique propice à l’entretenir. Inner Journey Out est la formule du moment. Un esprit contemplatif et solitaire règne sur ce cinquième opus des brooklynois Psychic Ills. La musique produite par le noyau dur – Tres Warren (chant et guitares) et Elizabeth Hart (basse) – entouré d’une formation de musiciens amis plus étoffée, est une ode à l’évasion. Les guitares réverbérées et les effets de modulation (delay) résonnent de leurs échos ; la basse hypnotique s’ajoute à l’orgue et à une série d’instruments auparavant inusités par le groupe, au premier rang desquels la pedal steel  guitare. Les effets de spatialisation du son s’étirent en strates successives et règnent en maitre. La musique est indolente, éthérée, vaporeuse et languide. Un vrai moment de relâchement et de coolitude s’invite dans notre quotidien.

Inner Journey Out est pourtant d’un classicisme absolu.  Sa gestation aura occupé trois années de la vie des new yorkais. Enregistré dans les entrailles de New York à Brooklyn, il sera mixé dans les studios de San Fernando Valley en Californie, sous la houlette de l’ingénieur du son Thom Monahan, remarqué pour la production de l’album Tarnished Gold des Beachwood Sparks et ancien membre des Pernice Brothers.

Les références familières sont légions. A commencer par l’objet fini et son packaging couleur sable du désert, qui fait diablement penser à l’emballage décrépi d’antiques 78 tours ou de vieux bootlegs. Sous influence Spiritualized ou Jesus & Mary Chain période Stoned & Dethroned,  Inner Journey Out est estampillé d’un soft rock psychédélique. Ce voyage intérieur est guidé par la voix laconique et chloroformée de Tres Warren. Monocorde, voire monotone, elle ne connaîtra jamais de  circonvolution d’amplitude, accentuant en cela l’effet laid-back de cet opus.

Mais ces New Yorkais ont quelques cordes à leurs arcs pour capter notre attention. Les compositions sont réussies et certaines très addictives. Dixit Warren, l’album est né de l’écoute assidu de ‘vieilleries’ ; par exemple du Pacific Ocean Blue de Dennis Wilson, de quelques galettes du bluesman Don Nix ou bien de l’album culte et Spectorien  – Born to be with you de Dion (pas Céline !). Album, entre parenthèse, adulé par bon nombre de musiciens aux horizons aussi divers que Pete Townshend, Bobby Gillepsie ou Alex Turner des Artics Monkeys.

Sur ce cinquième album sont conviés bon nombre d’invités et amis musiciens. Chacun apporte sa pierre à l’édifice. Mais celle qui accapare la lumière, est sans conteste la ténébreuse Hope Sandoval. Tres Warren, très impressionné par leur rencontre lors d’une tournée américaine en 2013 (pour la promotion de leur album précédent One Track Mind), lui a spécialement concocté un titre. Adoubé par madame, ‘’I don’t mind’’ est un duo inspiré et parfait. La mélodie se construit sur quelques accords (trois maximum) de guitare acoustique et d’un orgue pas borgne. Matty Mc Dermont recruté à la pedal steel guitare apporte sa touche country. La voix de Sandoval toujours aussi magnifique, ne phagocyte en rien le morceau, la vedette est avant tout le duo et la chanson – engageante.

La donne instrumentale est identique sur ‘’Another Change’’, mais le curseur est monté d’un cran. La guitare s’électrifie, l’orgue est plus sonore,  la pedal steel guitar marque d’avantage son territoire et des chœurs gospels se font jour.  Magnifique.

Ces percussions agissent comme une piqûre hallucinogène, ou comme les prémices à une séance de chamanisme.

Une des spécificités du disque, qui se transforme rapido en atout, est le nombre de morceaux incluant de longues respirations instrumentales de guitares (‘’Confusion (I’m Alright)’’, ‘’Mixed Up Mind’’) ; le chant de Warren s’effaçant alors de façon significative. ‘’Coca-Cola Blues’’ accompagné de son harmonica est le plus représentatif et le plus convainquant d’entre eux. Inner Journey Out fabrique de l’ambition ou de l’illusion c’est selon. ‘’New Mantra’’ rythme sa danse par des bongos. Ces percussions agissent comme une piqûre hallucinogène, ou comme les prémices à une séance de chamanisme.

L’ instrumental ‘’Hazel Green’’ plane et entretient une tension sous-jacente, tandis que les  9 minutes et 12 secondes de sa version extended  – ‘’Ra Wah Wah’’ – débute dans les nuages d’un psychédélisme vaporeux, pour à mi-parcours, introduire un saxophone jazzy à la sonorité Charles Lloydesque.  Le quatorzième et dernier titre’’ Fade Me Out’’ tire sa révérence dans  la sobriété. Tres Warren,  Elizabeth Hart et tous les musiciens s’éclipsent en sourdine et à regrets. La journée fût belle.

 

Sacred Bones Records/ Differ-ant – 2016
Producteur / Ingénieu du son : Thom Monahan

Tracklisting :
1. Back to You (03:59)
2. Another Change (05:21)
3. I Don’t Mind (04:40)
4. Mixed Up Mind (03:40)
5. All Alone (03:34)
6. New Mantra (02:04)
7. Coca-Cola Blues (07:11)
8. Baby (04:15)
9. Music in My Head (03:27)
10. No Worry (03:35)
11. Hazel Green (05:49)
12. Confusion (I’m Alright) (03:16)
13. Ra Wah Wah (09:12)
14. Fade Me Out (03:54)