Fallait-il attendre seize ans pour écouter l’album de l’été ? La réponse est oui. Car le second album du collectif australien The Avalanches s’avère aussi et déjà un des albums de l’année.


Souvenez-vous, au tournant du XXe siècle, The Avalanches, nous faisait chavirer avec leur premier album, le vertigineux tsunami Since I Left You.  Sur ce disque unique à plus d’un titre, le collectif originaire de Melbourne (Australie), y échafaudait durant 60 minutes (pile!) un spectaculaire mille-feuille hip hop psychédélique. Du fait des centaines de samples éclectiques recensés dessus – citons en vrac Madonna, Jimmy Webb, Boney M, John Cale, Sun Ra, Sergio Mendes, Daft Punk… – Since I Left You est aussi un casse-tête de droits d’auteur pour les avocats. Ce qui explique pourquoi ce disque lubrique a longtemps été banni d’iTunes et de la plupart des plateformes en streaming. On ne sait si il y a rapport de cause à effet, mais  The Avalanche disparu totalement des radars jusqu’à aujourd’hui. Ou peut-être aussi fallait-il se libérer du labyrinthe créatif dans lequel le collectif s’était enfermé, dans cette surenchère interminable de sampling qui peut se retourner contre vous. Petite parenthèse, la sanction récente vis à vis du groupe Car Seat Headest, qui avait utilisé un extrait d’une chanson des Cars sans autorisation, et fut condamné à détruire des milliers d’exemplaires de son premier album, paraît comparativement complètement démesuré…

En dépit de ces problèmes contractuel (, Since I Left You est devenu un classique du genre, au même titre que Paul’s Boutique des Beastie Boys et Endtroducing de DJ Shadow.  A vrai dire, le disque à très peu d’équivalent et on ne voit que les débridés shoegazeux anglais de The Go Team ! qui pourraient se rapprocher d’un tel maelstrom sonique.

Aussi surprenant soit-il, les australiens n’ont pourtant jamais abandonné l’idée d’une suite. Seize ans plus tard donc, et après quelques remaniements au sein du collectif – des six membres originels, il n’en reste plus que Robbie Chater, Tony Di Blasi et James Dela Cruz – The Avalanches sort enfin son second album, intitulé Wildflowers.

« Frankie Sinatra », premier titre révélé qui sonnait leur grand retour, nous avait d’abord déçu, par son côté fête foraine balkanique un peu tordue, ce malgré la participation de deux figures du rap indépendant, le Londonien MF Doom et Danny Brown de Detroit. L’attente était en fait trop forte, et avec le recul, le morceau s’imbrique très bien à l’ensemble du disque. Toujours aussi dense et varié que son illustre prédécesseur, Wildflowers n’a rien d’un noeud de samples inextricable et donne plutôt l’impression d’une imposante mosaïque exotique, traversée de lumière. « Because I’m Me », qui ouvre l’album en fanfare, est un enchevêtrement d’arrangements de cuivres,  des cordes majestueuses à la Jimmy Webb et de beats hip hop old school. Tout cet improbable telescopgae cohabite dans la joie et l’allégresse, et s’avère contagieux.

Nous ne sommes pas au bout de nos surprises à l’écoute de cette vingtaine de vignettes pop bigarrées, d’une fantaisie folle.  Comme sur “The Noisy Eater”, où le « Come Together » des Beatles se fait manger tout cru par une chorale scolaire et une étrange bestiole, et nous ramène à l’enfance innocente. L’obsession des Fab Four continue sur « Livin Underwater (Is Somethin Wild) », où on y entend encore Paul McCartney, cette fois un extrait de son chef-d’oeuvre en solo, RAM. Et on se dit que les Australiens ont décidément très bon goût. “Harmony”, peut-être le sommet du disque, est un énorme shoot de sunshine pop sous haute dose d’acide,  psychédélique et rayonnant. Difficile de faire le tour de ce disque tant de nouvelles couches se dévoilent à chaque nouvelle écoute. Mais on peut aussi scruter les crédits et y constater quelques invités de choix : comme Kevin Parker (Tame Impala) à la batterie sur « Going Home », Jonathan Donahue de Mercury Rev qui prête sa voix sur plusieurs morceaux, notamment traitée en mode “reverse” sur le superbe « Colours », qui n’aurait pas dépareillé sur le Loveless de MBV. David Berman, leader de Silver Jews  termine cette délirante party digne de Blake Edward avec « Saturday Nigh Inside Out ». Et de nous apporter un peu de couleurs dans cette période terriblement grise.

Site officiel
XL recording / Modular – 2016

Wildflower Tracklisting :

01 The Leaves Were Falling

02 Because I’m Me

03 Frankie Sinatra

04 Subways

05 Going Home

06 If I Was a Folkstar

07 Colours

08 Zap!

09 The Noisy Eater

10 Wildflower

11 Harmony

12 Live a Lifetime Love

13 Park Music

14 Livin’ Underwater (Is Somethin’ Wild)

15 The Wozard of Iz

16 Over the Turnstiles

17 Sunshine

18 Light Up

19 Kaleidoscopic Lovers

20 Stepkids

21 Saturday Night Inside Out

22 Frankie Sinatra (Extended Mix)