Derrière des arrangements laid back, le songwriter californien n’a pas sa langue dans sa poche sur son huitième album.


Après avoir frisé l’indigestion en sortant successivement deux double albums – Big Wheels And Others (2013) puis la compilation de raretés A Folk set Apart (2015)- , Cass McCombs semble cette fois un peu plus raisonnable. Du moins en apparence, car si son huitième opus, Mangy Love, ne contient que douze chansons aux arrangements plus frivoles que d’accoutumée, le propos du songwriter californien lui est très à charge. Nous reviendrons plus bas sur ce surprenant contraste.

L’enveloppe charnelle d’abord. Pour son premier album pour la maison Anti (succédant à 4AD et Domino), le talentueux songwriter s’est adjoint à la production les services du vétéran Rob Schnapf (Guided By Voices, Beck, Elliott Smith) et de la valeur montante Dan Horn (Allah-Las, Beachwood Sparks), qui tient également la basse sur la grande majorité des morceaux du disque. L’association des deux producteurs, par leur âge et leur expérience respective, se voudrait de fait complémentaire. Parmi les traditionnels nombreux hôtes présents sur ce huitième opus, on note la présence au chant d’Angel Olsen sur « Opposite House », ou encore le trop discret Kurt Heasley des incomparables Lilys, venu prêter renfort au choeurs sur « It » et « Low Flyin’ Bird »… le producteur et musicien Blake Mills s’invite également à la guitare sur ce dernier titre.

En grattant un peu la couche de sucre, on trouve derrière ses « amours miteux » de la moisissure.

Sur le papier, il est vrai que le parti-pris sonore opté pour ce nouvel opus pourrait dérouter en regard de productions précédentes de l’auteur de Prefection, qui oscillait entre pop  légèrement psyché et country folk. Après deux morceaux excellents placés en première ligne (l’épuré et soyeux « Bum Bum Bum » et le blues cru de « Rancid Girl »), l’album bascule ainsi vers un soft rock estampillé 80’s au son jazz funk fm bien rond et lisse à la Steely Dan (Opposite House), avec des nappes de synthés exotiques comme on n’entendait plus depuis le virage mainstream de Roxy Music – sur « Laughter is the Best Medecine », McCombs pousse même le vice à glisser un  solo de sax en guise d’introduction.  Dan Bejar alias Destroyer d’ailleurs nous avait aussi fait le coup sur son Poison Season l’année dernière, et nous en gardions un avis mitigé. McCombs s’en sort mieux pour sa part, grâce à ces talents de storyteller. Prière de ne pas glisser trop vite sur le dansant voire sirupeux “Cry”, car c’est précisément sur ce morceaux charnière du disque que McCombs dévoile ses cartes en chantant tout en ironie “no more cliche songs!”. On commence alors à comprendre que cette pop un brin trop aguicheuse sert à contrebalancer ses prises d’opinion brut de décoffrage.  

En grattant un peu la couche de sucre, on trouve derrière ses « amours miteux » de la moisissure. Sur un chant tendant de plus en plus vers le spoken word, McCombs s’illustre en défenseur de la cause féministe sur le beau et engagé « Run Sister Run », à la polyrythmie afrobeat toute sauf innocente.  Il tire à boulet rouge sur le lobby militaro-industriel américain dans « Bum Bum Bum ».  Sur un air blues rock, « Rancid Girl » s’en prend à notre société fascinée par les stars et l’apparence (cqfd : Kardashian & co) (« I’d hate you / But I want you more / You could make a lot of money / I’ll say no more / You’re rancid »).

La fin du disque réserve le meilleur avec le grandiose et cotonneux « It », où se greffe des voix d’opéra, avant de se refermer sur « I’m a Shoe », bouleversante chansons d’adieu et de désespoir. Indéniablement, Mangy Love fait parti de ses albums rares qui se révèlent un peu plus après chaque écoute.

Site officiel

Anti Records – 2016
Producteurs : Rob Schnapf, Cass McCombq et Dan Horn.

TRACKLISTING : 

  1. Bum Bum Bum
  2. Rancid Girl
  3. Laughter Is The Best Medicine
  4. Opposite House
  5. Medusa’s Outhouse
  6. Low Flyin Bird
  7. Cry
  8. Run Sister Run
  9. In A Chinese Alley
  10. It
  11. Switch
    12. I’m A Shoe