Retour gagnant pour les grand papys de Modesto sur leur cinquième opus et premier après une décennie en hiatus.

 


Tout le monde s’accorde à dire que Last Place signe le grand retour de Grandaddy. Et ce n’est pas nous qui contredirons l’avis général, tant ce cinquième opus, inespéré, de la bande de Modesto (Californie) fait plaisir à entendre. Car il faut l’avouer, nous pensions le dossier Grandaddy bel et bien refermé depuis Just Like The Fambly Cat (2006), disque d’adieu annoncé avant même sa sortie par la formation emmenée par le multi-instrumentiste Jason Lytle, et qui nous avait laissé un goût amer d’inachevé.

C’est que, remis dans son contexte, la séparation du groupe relevait du grand gâchis : The Sophtware Slump, monumental second album paru en 2000 (période charnière de l’avant revival rock à Converse), voit le groupe propulsé nouveau héraut du rock alternatif US, désigné par la critique musicale comme concurrent potentiel de Radiohead période OK Computer (rien de moins), non loin de Mercury Rev et The Flaming Lips. Grandaddy était alors promis à un grand avenir mais… peut-être à cause de cette pression trop forte sur les épaules de son seul leader et songwriter, les rockers barbus allaient virer barbants : le très attendu successeur Sumday (2003), malgré quelques éclats, montrait déjà des signes de fatigue, confirmés par Just Like The Fambly Cat. Tandis que les albums solo de Lytle ne nous auront guère convaincus…

Reformés en 2012 pour quelques concerts (dont un mémorable donné à Rock en Seine),  revoilà donc les  “grand-papys” de retour aux affaires cinq ans plus tard, avec un cinquième opus accueilli sur le label de Danger Mouse, 30 th Century Records. On ne serait d’ailleurs pas étonné d’apprendre son rôle prépondérant sur ce retour en forme, le producteur vedette des Black Keys dénouant la psyché complexe de Lytle, remis dans le droit chemin pour composer de nouveaux hymnes indie rock. Précisons que si le groupe tourne aujourd’hui au complet, en studios Jason Lytle demeure toujours seul maître à bord, compose, produit et enregistre toutes les parties instrumentales, hormis les batteries et les arrangements de corde.

En dépit donc de ces onze années d’absence discographique, Last Place donne pourtant l’impression d’avoir été enregistré dans la foulée de Sumday. On y retrouve ce goût hors-mode pour les synthés cheap maquillant des mélodies grandioses, ces gimmick électroniques entêtants, et ces guitares à la fois crasseuses et enveloppantes… et bien sûr la voix de Jason Lytle, intacte, si fébrile, timidement dépressive… Bien que Last Place ne bouscule rien de franchement neuf dans la formule DIY du groupe (quelques cordes toutefois…), le génie mélodique et la confiance sont indéniablement revenus au bercail.
Hormis peut-être deux ou trois titres de remplissage, l’excellence est au rendez-vous. Notamment sur “Way We Won’t”, placé stratégiquement en première ligne comme pour écraser d’emblée le moindre doute. Autres temps fort, “Evermore”, efficace avec ses nappes atmosphériques hantées, “I Don’t Wanna Live Here Anymore” au faux air de Weezer dans sa période bleue, “Check Injin” et sa pédale distorsion bien baveuse qui vient délicieusement salir quelques grattes folk. Mais encore la pop orchestrée “The Boats in the Barn”, que n’aurait pas renié Jeff Lyne et son ELO, éternel modèle de Jason Lytle. Et puis le sommet incontestable du disque, logé à l’avant-dernière piste : “lost Machine” pop song dramaturgique dans la lignée grandiose des classiques “Laughing Stock” et “He’s Dumb, He’s the pilot…”.
Assurément un futur grand moment de leurs concerts, déjà riche en la matière.

Quel plaisir alors que de retrouver une vieille connaissance en forme étincelante, naturel et sans le moindre anabolisant, fidèle à elle-même après toutes ses années. Là est l’essentiel.

 

 

Label : Columbia/30Th Century Records – 2017
Site officiel : www.grandaddymusic.com/
Page Facebook : www.facebook.com/grandaddymusic

 

Tracklisting:

  1. Way We Won’t
  2. Brush with the Wild
  3. Evermore
  4. Oh She Deleter ?
  5. The Boat is in the Barn
  6. Chek Injin
  7. I Don’t Wanna Live Here Anymore
  8. That’s What You Get for Gettin’ Outta Bed
  9. This is the Part
  10. Jed the 4th
  11. A Lost Machine
    12. Songbird Son

En concert le 6 avril à Paris à la Gaîté Lyrique dans le cadre du festival Arte Concert, et le 9 Avril à Lille, l’Aéronef.