Dans la joie et la bonne humeur, les frères Reid dépassent leurs rancœurs, et brisent 19 ans de silence discographique.


La famille comme dernier refuge ; voilà bien un postulat que les frères Reid n’ont que très rarement appliqué à la lettre. On en connait d’autres ! Si la rupture des frères Gallagher au festival de Rock en Seine durant l’été 2009 nous avait laissés de marbre, celle des frères Reid, après un sixième et dernier album (Munki) en 1998, avait-elle laissé quelques regrets. Une discographie de haute tenue rock’n’rollesque, un album rebelle et référence – l’hyper Noisy Psychocandy –  une suite immédiate non moins excellente mais bien plus tamisée (Darklands), un album semi acoustique lumineux (Stoned & Dethroned) et de la noise pop disséminée çà et là sur d’excellents singles. 13 ans d’activités en continu (1985-1998), quelques frasques majeures et hautes en couleur, du dédain et de la suffisance, bref, une ‘union’ pour le meilleur (la musique) et le pire (l’attitude).

Des prémices d’un rapprochement ont commencé à poindre en 2007, dans le cadre d’une reformation scénique au festival Californien de Coachella, puis notamment un passage à Rock en Seine. Un projet ‘familial ‘précédera de peu cette réunion : sur Sister Vanilla la famille Reid est alors au complet ; les deux frangins cohabitent avec la sœur Linda. Seul bémol – Jim et William Reid ne se parlaient pas à l’époque ! Little Pop Rock sera donc fabriqué sous la forme d’un puzzle et assemblé séparément. Et avec des pincettes ! Puis un dernier artefact d’activité sera mesuré. En 2015, ils fêteront les 30 ans de leur mythique Psychocandy. Quelques concerts (de plus de 20 mn !) ici et là, où ils décalqueront les saturations emblématiques de ce coup de maître.

Aujourd’hui les relations entre Jim et William Reid ne semblent plus brouillées par de mauvaises vibrations. Les luttes intestines, et souvenirs plus que pénibles de l’enregistrement de leur dorénavant avant dernier opus Munki sont évacués. Damage And Joy est un nouveau pas – de deux – en avant. Mais surtout un nouveau saut dans l’excellence. Le duo est épaulé par le producteur musicien et bassiste Martin Glover, aka Youth (Killing Joke, The Orb), Phil King bassiste originel de Lush, et Brian Young leur batteur de scène.

L’album aurait pu débuter sur ces quelques douceurs – “I hate my brother and he hates me, that’s the way it’s supposed to be” – extraite de l’efficace et colérique « Facing Up To The Facts ». Mais non, car finalement cet album exhale musicalement une sérénité bienveillante. Cela n’empêche nullement quelques épisodes bien saturés mais la tendance est claire.

Autre fait notable, Damage And Joy est construit sur un bon tiers de morceaux déjà existants et réenregistrés. Les musiciens ont pour cela puisé dans les projets passés (Freeheat et Sister Vanilla). La cohabitation avec les nouvelles compositions est parfaite. Cette combinaison gagnante de morceaux hétéroclites fait tout le sel de ce disque. Autre fait émérite, les femmes viennent à la rescousse des frères Reid sur ce disque où la parité est plus que respectée. Exit la voix sublime de la renfrognée et revêche Hope Sandoval. Pas moins de quatre chanteuses viennent au chevet des frères. Il fallait bien ça pour ne pas froisser l’égo de la belle Californienne ! Sky Ferreira, Bernadette Denning (girlfriend de William), Isobel Campbell et Linda Reid illuminent ce disque de leur chant frais et éventé. La série est belle et c’est un sans-faute.

 

“Yeah, it’s just a bitchhhh” claironnent Ferreira et Jim sur le refrain de l’irrésistible « Black and blues » ; Isobel Campbell, bien silencieuse depuis ses disques en duo avec Mark Lanegan, pose quant à elle son chant, doux et fragile, sur l’indie et classique « Song for a Secret », pour ensuite se lâcher totalement sur l’enlevé « The Two of Us ». Un orgue farfisa accapare cette chanson, c’est la bonne trouvaille de ce titre. Cette version est bien plus pêchue que celle chantée par Stephen Pastel sur le projet Sister Vanilla. Pour Linda Reid c’est un retour. Elle ralentie le tempo  sur « Los Feliz (Blues and Greens) » et étale un peu plus sa verve sur le popisant « Can’t Stop the Rock ». Quant à Bernadette Denning, elle a le privilège du second single « Always Sad », une chanson pop lumineuse et parfaite, pour un duo, au final, resplendissant.

Damaged and Joy a la particularité de nous séduire un peu plus à chaque écoute. « All Things Pass » y est pour quelque chose. La voix de Jim Reid est claire, une boite à rythme cadence son chant, et introduit un refrain hyper entraînant. Notre cerveau répond très favorablement aux stimuli sonores de cet opus. Par intermittence, notre corps réclame son quota de saturations électriques. « Get On Home » et « Mood Rider » répondent parfaitement à cette addiction.

Les deux frères ont enfin pactisés. Un nouvel élan semble-t-il se dessine. Une suite est d’ailleurs dans les tuyaux. Pourvu que cela tienne !

ADA/Warner Music – 2017

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Tracklisting :

  1.  Amputation
  2. War On Peace
  3. All Things Pass
  4. Always Sad
  5. Song For A Secret
  6. The Two Of Us
  7. Los Feliz(Blues And Greens)
  8. Mood Rider
  9. Presidici (Et Chapaquiditch)
  10. Get On Home
  11. Facing Up To The Facts
  12. Simian Split
  13. Black And Blues
  14. Can’t Stop The Rock