Pour son retour discographique après 13 ans de hiatus, le quatuor emmené par Dean Wareham s’approprie avec classe le répertoire de Mercury Rev, Bob Dylan, Stones…


 

Il pourrait paraître curieux qu’un groupe séparé depuis plus d’une décennie, décide pour son come-back studios d’enregistrer un album de reprises. Ce serait ignorer que la formation en question, Luna, excelle dans cet exercice de style. Le quatuor américain emmené par l’ex Galaxy 500, le chanteur et guitarise Dean Wareham, est d’ailleurs connu davantage pour ses relectures inspirées de chansons de Guns and Roses, Serge Gainsbourg ou The Beat Happening, que pour son propre répertoire. Une cruelle injustice à notre goût. Car celui que le magazine Rolling Stones a un jour qualifié de “meilleur groupe du monde que personne ne connaît” a pourtant enregistré sept albums qui résistent admirablement bien à l’usure du temps, dont un chef-d’oeuvre, Penthouse (1995), et les non moins  formidables  Pup Tent (1997) et The Days Of Our Nights (1999).

Reformé au départ pour une poignée de concerts en Espagne en 2015,  l’ex quatuor emblématique de la scène rock New Yorkaise – seul le guitariste Sean Eden y vit toujours, le couple Dean Wareham et Britta Phillips, ainsi que le batteur Lee Wall, ont migré à Los Angeles – a donc raisonnablement laisser maturer durant deux années leur retour sur scène avant de sortir le successeur de leur septième album studios, Rendezvous (2004). Assis sur le siège de producteur, le californien Jason Quever, déjà à l’oeuvre sur le premier EP solo de Dean Wareham paru en 2014, leur a peaufiné un son rond et cotonneux, sans forcer le trait, qui va comme un gant à ses esthètes rock et lettrés, dignes héritiers du Velvet et de Television. Quant à nous, on s’y sent bien comme dans des chaussons, l’impression d’avoir quitté le groupe la veille.

Le choix des reprises est partagé entre une grande majorité de musiciens “populaires” (Dylan, Cure, Bowie, Rolling Stones…) contre seulement deux personnalités plus ou moins obscures (Will “Loco” Alexander et Mink Deville). Hormis Bowie, The Cure et Fleetwood Mac dont les reprises manquent un peu de caractère , les retrouvailles sont bel et bien réussies. Toutefois, il ne faut voir aucune option de facilité de la part du quatuor, les titres retenus ne sont pas des tubes, voire demeurent pour la plupart méconnus. Mais cela, on s’en doutait un peu de la part de ces musiciens qui ignorent la faute de goûts. 

Il en va ainsi du Velvet Underground, influence donc notoire du groupe, qui pourrait semble un peu trop évident dans cette sélection. Sauf que “Friends”, est un morceau issu de la période post-Lou Reed et composé par son remplaçant Doug Yule. Bien que ce ne soit pas franchement le meilleur titre de A Sentimental Education, cette version se fond naturellement dans l’écrin du groupe et sonne comme du Luna tout craché. A contrario, celle du splendide « Most of the Time » de Dylan, (certainement la chanson du Zim’ la plus connue de la période année 80) vaut bien davantage le détour. Bien qu’assez fidèle dans son esprit, on peut considérer cette réinterprétation à la hauteur de l’originale, ce qui n’est pas rien.

Plus surprenant dans son approche, le “(Walking Thru’ the) Sleepy City”, des Rolling Stones, se voit réapproprié avec grande classe et s’impose comme le pic de cette collection de reprises. Mention spéciale à Sean Eden, qui nous sert un de ses solos minimaliste dont il a le secret. On avait presque oublié à quel point ce guitariste est merveilleux, même si son passage au sein du groupe Elk City fut loin d’être anecdotique. Autre surprise de choix, la ballade stratosphérique “Sweetness” des papes du rock progressif Yes, avant qu’ils ne s’embarquent dans des constructions de plus en plus alambiquées.

Parmi les titres à ranger plutôt dans la catégorie “artiste maudit”, celle du “Gin”  de Will “Loco” Alexander, ex Velvet Underground (autre membre sur le tard évidemment), débarrassé de ses synthés hantés à faire pâlir John Maus, retrouve au son des six-cordes électrique du duo Wareham/Eden, une patine psyché rock irrésistible. Wareham et sa bande ont souvent tenu le rôle de passeur, et si leur version de « Let Me Dream if I Want to » de Mink DeVille a un peu perdu de son urgence, elle a le mérite de mettre en avant un musicien resté confidentiel. Notre éducation sentimentale se clôt en beauté, avec le culte “Car Wash Hair” de Mercury Rev, avec les contributions de ses géniteurs, Jonathan Donahue et Grasshopper.

A noter que le disque est complété d’un bonus six titres, A Place of Greater Safety EP, constitué uniquement d’instrumentaux composés par le groupe. L’objet n’a rien d’anecdotique et démontre que l’inspiration n’a pas déserté le groupe. C’est peut-être même sur ce dernier que se distingue particulièrement l’entente si harmonieuse entre les guitares de Sean Eden et Dean Wareham. Notamment sur un « GTX3 », tout en apesanteur, qui aurait pu faire une excellente chanson. Nous voilà rassuré, ces titres donnent à entendre un groupe en pleine possession de ses moyens. Assurément, cela augure de belles choses à l’avenir.

 

L’album est en vente sous différent formats et formules, via sur le site plegdgemusic.com.

http://lunamusic.com/

 

A Sentimental Education Tracklist:

  1. 1 Fire in Cairo (The Cure)
    2 Gin (Willie Loco Alexander)
    3 Friends (« Velvet Underground » – sorta, it was written after Lou Reed had left the band)
    4 One Together (early Fleetwood Mac)
    5 Most of the Time (Dylan)
    6 Sweetness (YES)
    7 Letter to Hermione (Bowie)
    8 (Walking Thru’ the) Sleepy City (Jagger/Richards)
    9 Let Me Dream if I Want to (Mink DeVille)
    10 Car Wash Hair (Mercury Rev)

A Place of Greater Safety EP Tracklist:

  1. GTX3
  2. A Place of Greater Safety
  3. Captain Pentagon
  4. Around and Around
  5. Ides of March of the Trolls
  6. Spanish Odyssey