Pop folk débridée, dance, psychédélique… le cinquième LP du songwriter Damon McMahon alias Amen Dunes atteste de toute son évolution artistique.


Sur Freedom la musique d’Amen Dunes ne semble révéler aucun point d’accroche singulier ni buter sur de quelconques aspérités, le songwriter new-yorkais y fait son show en toute simplicité avec entrain et gourmandise. Les mélodies sont lumineuses et la production est sereine. En extrapolant, McMahon semble s’être glissé dans le costume d’un vieux briscard qui décide après moult années de routine, de se faire plaisir en signant un disque plus personnel. McMahon lui est à l’orée de son histoire mais il s’est déjà donné ces moyens. Freedom est son cinquième opus (tout de même) et fait suite à Love (son ‘Astral Weeks’ personnel de 2014, dixit son auteur).

Pourtant, pour qui découvrirait aujourd’hui sa nouvelle production et son univers, la mise à jour de son passé (indie et psyché) pourra déstabiliser quelque peu, car les antécédents du musicien ne sont pas si accessibles que ça : son DIA de 2009 était bien lo-fi, Through Donkey Jaw en 2011 taquinait toujours la chanson primitive, mais avec des penchants noisy et psyché plus marqués. En 2013, grosse chute de tension : il fricote alors avec le rock avant gardiste sur l’expérimental Spoiler, avant de trouver l’amour et quelques rayons de soleil folkisants avec Love. En 2018, Freedom suit la tangente empruntée en 2014 mais  privilégie les grands axes.

En regard de ces antécédents ce nouvel opus contraste vraiment ; il revendique bien fort des influences mainstream (c’est son auteur qui le clame). C’est en tous cas exécuté avec goût car rien ne jure sur cet enregistrement. Les synthés et les claviers aux mêmes titres que les guitares se disputent le 1er rôle (chacun à son qualificatif personnalisé sur le livret). Damon McMahon avait en tête un disque attrayant et accessible. Freedom est clairement la porte d’entrée recommandée pour découvrir l’univers musical de son auteur. A l’image de sa pochette ou McMahon est affublé d’un polo dernier cri, et au regard des précédentes, la métamorphose est aussi visuelle. Sous une belle unité musicale, Freedom alterne entre des vignettes pop rock et des compositions – c’est une nouveauté – assez dance ; dans ces moments-là la coloration musicale est plus électronique. Ce mélange d’électro pop et de rock est fécond et fusionnel. Par contre une constante demeure, Damon est très bavard, le flot de sa voix désenchantée est constamment mis en avant à l’instar d’un Guy Blakeslee (Entrance).

La genèse de ce nouvel enregistrement coïncide avec l’annonce d’un cancer en phase terminale de sa mère, cet événement traumatisant lui a imposé une nouvelle rigueur et un devoir – le choix artistique de s’ouvrir sur les autres.
Des réguliers et des amis l’ont rejoint et épaulé en studio : le bassiste Gus Seyffert, la claviériste Raffaele Martirani ; les guitaristes – Jordi Wheeler, Delicate Steve et Nick Zinner (Yeah Yeah Yeahs) ; Parker Kindred à la batterie et le frère de McMahon sous le pseudo Xander Duell sont aussi de la partie. Le tout a été produit et enregistré par Chris Coady (Beach House).

L’équipe fait bien le job ! Le nuancier des styles est subtil : ‘Calling Paul the Suffering’ et ‘Miki Dora’ au centre de cet LP sont de radieux instants de pop musique (l’envolée des guitares sur ‘the suffering’ est top et inédite pour le musicien de Brooklyn). ‘Miki Dora’ le premier single est un bel hommage pop à l’illustre et anticonformiste surfeur hongrois, escroc notoire sur la terre ferme et légende sur les vagues. McMahon sur son compte Instagram l’explicite comme «une réflexion sur toutes les manifestations héroïques et mythiques de la masculinité et de leurs illusions».
Le songwriter a décidé de se livrer : les thèmes abordés sont adultes. Son père, sa mère et le jeune Damon, tout s’imbrique … et s’explique dans les textes. McMahon y explore profondément son identité.

Musicalement le plaisir est sans réserve. ‘Blue rose’ le premier vrai titre rencontré sur cet album a une ossature clairement électronique – son beat dansant ressemble à un titre des Happy Mondays passé à la moulinette pop. Dans la même veine sur la conclusion ‘L.A.’, deux ambiances coexistent : l’une ensoleillée et pop sur les plages de Malibu, l’autre plus suave et ondoyante dans les night-clubs de L.A. (… ou de Bristol !).

De nombreuses pépites jalonnent cet album : le brillant ‘Believe’ enveloppé dans sa douce mélancolie par exemple ; tout y est juste : la voix de McMahon qui accompagne la mélodie minimale et folkisante. Sur le rêveur ‘Skipping School’ l’école est finie ; on s’évade donc en rêvant à de grandes choses, les nappes de claviers transforment cet instant en parenthèse magique. ‘Time’ et son tempo métronomique remet les pendules à l’heure, une mini course contre la montre semble se jouer, il est en tout cas très addictif.
Freedom ne connaît aucun coup de pompe musical c’est un signe qui ne trompe pas.

Le New-Yorkais d’adoption Damon McMahon nous a entrouvert son cœur. De quoi sera fait son futur musical ? La question vaut d’être posée tant le musicien ne cesse d’expérimenter les genres et les styles depuis ses débuts.

Sacred Bones/ Differ-ant – 2018

https://www.sacredbonesrecords.com/

https://www.facebook.com/amendunes

Tracklisting :

  1. Intro
  2. Blue Rose
  3. Time
  4. Skipping School
  5. Calling Paul the Suffering
  6. Miki Dora
  7. Satudarah
  8. Believe
  9. Dracula
  10. Freedom
  11. L.A.