Bien dans leurs pantalons patte d’eph, les frères Brian et Michael D’Addario signent un second album conceptuel aux airs d’opéra-rock/comédie musicale, ambitieusement extravagant.


Fini le temps de se dorer la pilule, les doigts de pied en éventail au bord de la piscine, une Pina Colada à la main. Le soleil perd de sa splendeur, les feuilles tombent, ce qui ne signifie qu’une chose : c’est l’heure de la rentrée des classes. Voilà en tout cas ce que plaident les frères Brian et Michael D’Addario sur leur deuxième album Go to School, qui sonne le glas de cet été 2018. Les Lemon Twigs nous offrent un petit bijou enregistré et mixé à leur domicile familial de Long Island, qui saura atténuer notre gueule de bois post-estivale. Après un premier album réussi Do Hollywood (2016), la jeune fratrie s’essaie à un extravagant opéra-rock/comédie musicale, en nous contant les moult péripéties de Shane, un chimpanzé adopté par une famille d’humains, qui sera confronté aux joies et aux peines que peut ressentir cet élève singulier lors de son parcours scolaire.

Tout au long de ces 16 titres, The Lemon Twigs ose tout avec l’insolence de sa jeunesse. Cela démarre en trombe avec « Never in My Arms, Always in My Heart » dont le riff du couplet rappelle sans nul doute ceux d’une autre formation new-yorkaise que l’on ne présente plus, on parle bien sûr des Strokes et de son guitariste Albert Hammond Jr. Une ouverture percutante et grandiloquente, dont on en attendait pas moins de la part des frères d’Addario, emporté par un refrain radieux à la Beach Boys.
Puis la cadence ralentit dès le deuxième titre « The Student Becomes The Teacher », avant l’arrivée d’une section de cordes enchanteresse qui apportent indéniablement un plus à ce deuxième album, décidément riche en surprises. « Rock Dreams » respire quant à lui le revival 70’s si cher aux deux frangins et impressionne par sa capacité à fusionner un son acoustique d’une part, et de l’autre un son vigoureusement électrique. On peut d’ailleurs amplement ressentir l’influence de Led Zeppelin sur les frères D’Addario au moment de forger leur son.

Le piano et le violon de « The Lesson » se marient à merveille, puis la pop country “Small Victories” apporte une touche de philosophie et d’optimisme à l’album juste avant « Wondering Ways », pièce orchestrale presque dramatique qui évoque un amour impossible pour Shane, contraint de garder pour lui ses sentiments.

Si dieu merci une grande majorité échappe au harcèlement scolaire, tout le monde n’a pas cette chance. Une étape traumatisante que Shane doit subir dans “The Bully”, paradoxalement sur fond de bossa-nova, et engendrera une phase de solitude dans le morceau bien nommé “Lonely”. Le piano Elton Johnesque de ce huitième titre accompagne les désillusions de notre singe préféré. Notre héros finira finalement par trouver l’amour sur “Queen of My School”, où une guitare enjouée apporte un peu de soleil dans la vie du chimpanzé. Le beau temps sera de courte durée cependant, car notre protagoniste apprend par ses parents qu’il a été adopté sur “Never Know”. La remise en cause de son identité le ramène au rez-de-chaussée de son ascenseur émotionnel.  

Sortez vos mouchoirs, “Born Wrong/Heart Song” certainement un des titres les plus sombres de Go To School, évoque non seulement une relation père/fils compliquée mais également les introspections d’un personnage mal dans sa peau. C’est d’ailleurs le légendaire Todd Rundgren, wizard rock seventies dont l’affiliation glam avec la fratrie est ici évidente, qui joue le rôle du père de Shane. La descente en enfer du protagoniste continue avec le magnifique « The Fire »,le plus long titre d’un album pourtant déjà dense, invitant notre index à cliquer sur le bouton Replay.

Si “Home of a Heart” nous incite plutôt à rester couché au lit, tout en se laissant porter par la mélodie menée par le duo guitare/piano, “This is my Tree” en revanche, avec ses relents rock n’roll, nous invite à nous lever abruptement et imiter les déhanchés d’Elvis. Dans ce quatorzième titre, il y a bien du King, mais aussi un peu de Chuck Berry et de Queen.  Bref, que du bon. Le dernier titre “If You Give Enough” qui semble être tiré tout droit d’un conte clôture à la fois cet album et l’histoire de Shane.

On arrive au bout des seize titres essoufflés, mais satisfaits par une œuvre mûre (pour des jeunes de vingt ans) dans laquelle on retrouve un véritable cocktail d’influences, maîtrisée tant d’un point de vue musical (pari d’un retour au glam-rock et pop baroque réussi) que par son storytelling cohérent. Et vous, vous faisiez quoi à vingt ans ?

Beggars/4AD – 2018

http://www.thelemontwigs.com/

Tracklist :

1.  Never in My Arms, Always in My Heart
2. The Student Becomes The Teacher
3. Rock Dreams
4. The Lesson
5. Small Victories
6. Wonderin’ Ways
7. The Bully
8. Lonely
9. Queen of My School
10. Never Know
11. Born Wrong/Heart Song
12. The Fire
13. Home of a Heart (The Woods)
14. This is My Tree
15. If You Give Enough
16. Go To School

The Lemon Twigs en concert à la Maroquinerie à Paris le 1er octobre 2018, puis en concert en France en mars 2019 :

01/03 LILLE, L’Aéronef
02/03 LYON, L’Épicerie Moderne
03/03 STRASBOURG, La Laiterie
04/03 PARIS, La Cigale