A rebours de la mélancolie folk de Midlake, son leader Eric Brandon Pulido se distingue en solo avec un premier album pop et enjoué.


Sous cet intrigant pseudonyme se cache le projet solo d’Eric Brandon Pulido, leader du groupe prog-folk texan Midlake, disparu des radars depuis cinq ans. D’ailleurs, en regard aux épisodes mouvementés de la formation de Denton, on peut décemment se poser la question : Midlake est-il un groupe maudit ?

Rappel des faits, Pulido tient les commandes du groupe depuis 2012 suite au départ de son leader originel, le génial Tim Smith. Ce dernier, pris du syndrome Axl Rose après leur monumental deuxième album, The Trials of Van Occupanther (2006) et d’un troisième à l’accouchement douloureux The Courage of others (2010), évolue désormais reclus en solo sous le nom de Harp, dont le seul témoignage d’existence demeure la chanson “She Led Me Away” sur le projet Lost Horizons de Simon Raymonde en 2017.

Autant dire que nous avons de la sympathie pour le guitariste et chanteur Eric Brandon Pulido, qui a courageusement maintenu le navire Midlake à flot avec l’honorable Antiphon (2012), même si fatalement en-dessous de The Trials of Van Occupanther. Une pression et les contraintes créatives inhérentes à la vie de groupe finiront par l’user à son tour et lui donner envie d’aller voir ailleurs (provisoirement?), Midlake ayant disparu des radars depuis 2014. Premier signe d’émancipation en 2017, Eric Pulido rejoint le super groupe BNQT, formé aux côtés des membres de Band of Horses, Travis, Grandaddy et Franz Ferdinand. Projet sympathique, mais un peu anecdotique.

Toujours est-il que cette expérience collective lui a donné des ailes en solo. On retrouve sur ce premier album de E.B The Younger des membres de Midlake ainsi que BNQT  – soit Joey Mc Clellan à la guitare électrique, McKenzie Smith à la batterie, Jesse Chandler à la flûte – mais aussi des Texas Gentlemen – Scott Lee à la basse, Daniel Creamer au clavier ainsi que Beau Bedford. Bedford est également le principal producteur et Matt Pence (batteur du groupe Centro-Matic) l’ingénieur du son de ces sessions studios. Il en découle dix compositions aux ambiances forcément variées, reliées ensemble par un plaisir du collectif véritablement perceptible. Et ce plaisir est réciproque.

Un plaisir perceptible autant dans le fond que dans la forme : la brume sophistiquée de Midlake laisse place à de belles éclaircies. Sur To Each His Own, la folk tourmentée lâche du lest, loin des compositions en mode mineur et cérébrales de Midlake. Pulido dit ainsi avoir privilégié les accords majeur (et donc pop) sur ses compositions, et cela s’entend sur “When The Time Comes” ou encore “On an Island”, aguicheurs comme une mélodie des Wings. Cette douce candeur mélodique (“Hope Arrives”, gracieux comme une ballade des Trash Can Sinatras) pourrait presque passer pour une forme de soulagement ou de libération pour le « rajeuni » Eric Brandon. “CLP” se dote même d’un couleur exotique appuyé par un beau refrain façonné aux harmonies vocales à la CSN& Y. Délicieux. On trouve d’ailleurs ce goût lécher pour les harmonies vocales de bout en bout de l’album – le filet de voix clair et élégant de Pulido se rapproche d’un Father John Misty, en plus rigoureux dirons-nous dans sa manière d’aborder les mélodies.

Le superbe “Used To Be” en ouverture, fait preuve d’un travail soigné sur l’habillage, notamment côté nappes synthétique, sans jamais céder à la tendance actuelle de la surcouche fluorescente. A ce titre, l’atmosphérique “Down and Out” pourrait sans problème figurer dans la tracklist du superbe Rare Birds de Jonathan Wilson, autre témoignage de réussite dans le genre.

Ceci dit, To Each His Own demeure très attaché à un certain idéal pour l’âge d’or soft rock US . “Don’t Forget Me” est une superbe ballade piano d’obédience Jackson Brown, Fleetwood Mac voire Eagles.  Titre quintessence de cet obsession esthétique seventies, la merveille “Out of The Woods”, formidable réminiscence du Pacific Ocean Blue de Dennis Wilson, petite brise mélancolique face à un coucher de soleil radieux. Avis aux amateurs d’air frais…

Bella Union/ Pias – 2019

 

 

http://ebtheyounger.com

 

TRACKLIST :

 

  1. Used To Be
  2. When The Time Comes
  3. CLP
  4. Down And Out
  5. Don’t Forget Me
  6. Out Of The Woods
  7. Monterey
  8. Hope Arrives
  9. On An Island
  10. A Matter Of Time
  11. To Each His Own