Premier album très attendu de ces dublinois, qui redonnent du souffle à la poésie rock dégingandée.


« Dogrel », probable dérivé de « Dog », est un genre littéraire Irlandais venue des classes ouvrière, sorte de poésie aux rimes irrégulières et libres, au langage cru, souvent à double sens. D’ailleurs cela s’écrit « Doggerel », normalement. Mais ainsi sont les Fontaines DC, affranchis et fiers de leurs origines, bruts. Bande de potes ayant grandi ensemble dans le quartier The Liberties, au sud-ouest de Dublin, autrefois populaire et aujourd’hui en proie à la gentrification, ils envoient, alors que le groupe n’a que quelques mois d’existence, « Liberty Bell », dès 2017, qui traite de la crasse et de la violence qui règne dans les rues de Dublin, bien caché derrière les façades rayonnantes des cafés trendy qui pullulent dans une ville semblant transpirer le cool. C’est aussi le nom de leur Pub préféré dans le quartier. Le buzz monte, lentement, et leur permet de passer par les studios de KEXP une première fois, sans album et avec une poignée de titres à peine finis dans les poches. C’est une claque.

Avec sept titres dévoilé au préalable sur internet sur les 11 que compte l’album, la sortie de Dogrel ne propose que peu de surprises, et aurait pu s’apparenter à une compilation de chansons créées sur deux longues années de tournée et d’une lente montée vers le succès, en partie poussée par les premières parties de Shame et Idles (dont ils partagent avec ces derniers le label, Partisan Records). Le tout est au contraire d’une grande cohérence, et la scène Rock Irlandaise, en pleine ébullition avec Girl Band (versant Noise), Melts (Kraut), Murder Capital (hardcore) ou Just Mustard (pop) vient peut-être de se trouver un leader. Et il sonne terriblement du cru.

Post-Rock ? Ils refusent. Le terme ne veut plus rien dire. Et jurent qu’ils n’ont connu The Fall qu’après qu’on les y ait comparés, un comble, tant le chant parlé, saccadé, puissant de Grian Chatten, rappelle celui de Mark E. Smith, l’accent de sale gosse irlandais en plus. Et comme le regretté Punk lettré Mancunien, le leader de Fontaines DC ne fait pas qu’aboyer, il raconte des histoires avec quelques mots, beaucoup de second degré, et les enrobes de cette forme de poésie désenchantée.

« Big » démarre pied au plancher, et c’est avec cette morgue si séduisante et so British qu’est scandé à tue-tête le refrain « I’m gonna be big », quand « Sha Sha Sha », The Clash en diable, dévoile une autre grande influence du quintette, qui se revendique Punk, et cite volontiers Iggy Pop, Patti Smith, mais aussi les La’s en interview. « Too Real » est un sommet d’énergie, les guitares s’envolent, la ligne de basse contrôle, le chant se relâche, puis reprend ses saccades, agressives, comme sur « Hurricane Laughter », à la rythmique belliqueuse à souhait. « The Lotts » apporte une touche New Wave, « Hurricane Laughter » revient aux fondamentaux Punk-Rock, quand « Dublin City Sky » nous transporte chez eux, et met en exergue une autre de leurs grandes influences : The Pogues. Le titre traite de l’identité culturelle de la ville qui semble disparaître sous le poids de la mondialisation, et pourtant, une telle interprétation nous prouve au contraire que l’âme Irlandaise existe toujours, quelque part.

Partisan Records/PIAS – 2019

Tracklisting :

  1. Big
  2. Sha sha sha
  3. Too real
  4. Television screens
  5. Hurricane laughter
  6. Roy’s tune
  7. The lotts
  8. Chequeless reckless
  9. Liberty belle
  10. Boys in the better land
  11. Dublin City skyConcerts :
    • 22 avril au Point Éphémère (complet)
    • 1er juin Nîmes / This Is Not A Love Song Festival
    • 7 juin Saint Brieux / Art Rock Festival
    • 4 juillet aux Eurockéennes de Belfort
    • 20 juillet Carhaix / Les Vieilles Charrues
    • 15 août Saint-Malo / La Route Du Rock